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plaire d’abord aux favoris du roi, eux seuls disposant de toutes les grâces qu’il veut bien octroyer.

Jacques de Thou allait développer ses raisons, mais Choesne l’interrompit :

— Moins on sait profiter du temps, plus on craint de le perdre. Si vous jugez les sollicitations malséantes pour votre dignité personnelle et pour votre charge, si vous appréhendez un échec, laissez-moi faire. Vous connaissez Philippe Desportes ; vous n’ignorez point qu’il est de mes parents et de mes amis ; vous savez en outre quelle influence il exerce sur le duc de Joyeuse, qui lui-même est tout-puissant auprès du roi, dans les affaires relatives à la magistrature. Eh bien, ils seront charmés l’un et l’autre que je les emploie à vous faire obtenir ce que vous souhaitez.

Comme il achevait ces mots, il alla en droite ligne chez le poëte diplomate, qu’il trouva sur le point de sortir, avec son portefeuille sous le bras, ni plus ni moins qu’un ministre : le duc de Joyeuse l’attendait pour travailler. Choesne le tira un peu à l’écart, lui dit ce qui l’amenait ; l’opulent rimeur prit note de sa requête, sans lui faire la moindre objection, et, comme ceci avait lieu le matin :

— Venez tantot dîner avec moi, dit-il au solliciteur par procuration ; je vous instruirai de ce qui aura été fait.

Choesne ne manqua point au rendez-vous : il apprit alors avec étonnement que l’affaire était conclue.

Il se hâta d’en avertir Jacques de Thou, que sa diligence et la prompte solution obtenue par Desportes surprirent à son tour. Il regretta de n’avoir fait aucune démarche auprès du jeune seigneur et de son conseiller, ne fût-ce que dans un but de politesse. Il exprima son repentir à Choesne, ajoutant qu’il ne pouvait assez reconnaître un aussi grand service.

Et sur-le-champ il alla trouver Desportes, s’excusa de n’avoir point fait lui-même sa demande et attribua son retard au zèle de Choesne, qui l’avait prévenu. Le poëte ne souffrit point qu’il se disculpât plus longuement et lui répondit avec une certaine grandeur d’âme :

— Vous êtes, je le sais, du nombre des personnes auxquelles il sied mieux de témoigner leur reconnaissance pour les bons offices que de prendre la peine de les solliciter. Quand vous m’avez employé pour vous auprès du duc de Joyeuse, soyez sûr que vous nous avez obligés l’un et l’autre : on se fait honneur, dans des occasions pareilles, quand on rend service à un homme de mérite.