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de 1573. D’année en année le poëte augmentait son pieux recueil. C’était la mode alors de mêler la dévotion à la licence, le fanatisme aux orgies ; on affectait même le libertinage, afin de se mettre en opposition avant la rigidité protestante[1].

Ainsi nous lisons dans le Journal de l’Estoile que, le 31 octobre 1585, le roi s’en alla chez ses confrères les Hiéronymites de Vincennes, pour célébrer avec eux la Toussaint, faire ses pénitences et oraisons sous les auspices des moines. Le dernier jour du mois précédent, il avait eu la fantaisie de monter en chaire, de leur adresser une exhortation. Quelques jours auparavant, c’était Desportes lui-même qui, à l’instigation du roi, leur avait débité une homélie[2]. Voilà de beaux prédicateurs, en vérité, pour soutenir les âmes chancelantes, purifier les cœurs et aplanir les voies du salut !

Ce prince dévot, qui s’était flagellé en public, faisait dans les rues de Paris de véritables bacchanales. Pendant les jours gras de 1582, escorté de son frère, le duc d’Alençon, et de leurs intimes, il effraya la populeuse cité de son brutal dévergondage. Les honnêtes compagnons, déguisés en marchands, prêtres, avocats, bref, portant des costumes de toute espèce, masqués d’ailleurs et montés sur des chevaux, parcoururent la ville, bride abattue ; ils renversaient les uns, frappaient les autres de perches et de bâtons, principalement ceux qu’ils rencontraient la figure masquée, le roi voulant avoir ce jour-là le privilége du masque. Ils se précipitèrent ensuite au milieu de la foire Saint-Germain, s’y livrèrent à mille insolences et rôdèrent toute la nuit jusqu’au lendemain dix heures. Ils raccolaient en chemin une foule de mauvais garnements.

La même année où Henri III admonestait les Hiéronymites de Vincennes, le digne monarque avait eu un autre caprice. Chose étrange ! il s’était passionné pour le bilboquet au point d’en jouer partout, même dans les rues. Voulant le flatter et lui

  1. Dreux du Radier, article du Conservateur.
  2. Journal de Henri III, par l’Estoile. Palma Cayet, dans le livre Ier de sa Chronologie novenaire, nous donne des renseignements curieux sur cet ermitage du bois de Vincennes : « Le roy avoit faict faire dans le parc du bois de Vincennes, autour de l’église des Minimes, plusieurs bastimens et oratoires pleins de riches tableaux, d’ornements d’église, reliques, croix, saincts, calices et chandeliers d’or, d’argent et de cristal, avec des armoires pleines de plusieurs habits d’escarlatte rouge et violette, de breviaires, d’heures et autres livres d’église qu’il avoit fait imprimer. Bref, c’estoit le lieu où il esperoit faire d’ordinaire sa solitude avec les Hieronymites, ou confrères de Nostre-Dame-de-Vie-Saine, que l’on nomme Vincennes, lesquels faisoient le service dans la haute église des Minimes. »