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tée sous le nom de Cléonice pourrait être Héliette de Vivonne de la Chastaigneraie. Du Radier fait valoir cette hypothèse et nous donne quelques renseignements sur la jeune fille. Son pére était Charles de Vivonne, baron de la Chataigneraie, qui avait pour femme Renée de Vivonne, sa parente. Héliette épousa, le 10 juillet 1580, Louis de Montberon, seigneur de Fontaine-Chateaudray, et mourut en 1625. Le sonnet de Ronsard, joint aux Amours de Cléonice, semble la désigner d’une manière évidente. Un sonnet placé à la fin des Amours diverses porte aussi son nom. Pourquoi dans ce morceau très-vif le poëte n’a-t-il pas employé le pseudonyme ? C’est ce que je ne saurais deviner. Plusieurs passages prouvent d’ailleurs que ces opuscules s’adressaient à une femme mariée, avec laquelle Desportes entretenait un commerce platonique. Un homme si fin, si positif, s’était laissé prendre à une affection idéale, qui devait, tout au plus, lui valoir de temps en temps un coup d’œil, un serrement de main. Que voulez-vous ? Il était poëte et il imitait Pétrarque. Et puis il n’avait sans doute pas prévu qu’il trouverait une si énergique résistance. De là ses pleurs véritables et cette ode mélancolique placée à la fin des sonnets.

Adieu, chansons, adieu, discours,
Adieu, nuits que j’appelois jours,
En tant de liesses passées ;
Mon cœur, où logeoient les amours,
N’est ouvert qu’aux tristes pensées !




V

Les Œuvres chrestiennes de Desportes sont généralement regardées comme un produit de sa vieillesse : on les confond à cet égard avec les psaumes, dont les soixante premiers parurent en 1592, chez Mamert Patisson. Mais, quand on suit chronologiquement les travaux du poëte, on voit qu’il a eu en tout temps de pieuses inspirations. Dès l’âge de vingt-quatre ans, il avait touché la harpe sainte ; pendant ses jours de bonheur et d’ivresse, il la reléguait dans un coin, pour la reprendre aussitôt que la fatigue et l’ennui voilaient à ses yeux les riantes perspectives où se complaisait d’ordinaire son imagination. Plusieurs morceaux religieux, qui terminent l’édition de 1579, manquent à l’édition