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culait à cette époque sur les denrées, sur les gabelles, sur les terres, sur les fournitures faites au gouvernement. Desportes était expert dans ce trafic, et, par intérêt pour les écrivains, cherchait à les enrôler parmi les agioteurs.

Il semblait avoir adopté comme règle de conduite les avis moqueurs exprimés dans le Poëte courtisan, de Joachim du Bellay :

Mais qui des grands seigneurs veut acquérir la grâce,
Il ne faut que les vers seulement il embrasse :
Il faut d’autres propos son style déguiser
Et ne leur faut toujours des lettres deviser.
Bref, pour être en cet art des premiers de ton âge,
Si tu veux finement jouer ton personnage,
Entre les courtisans le savant tu feras,
Et entre les savans courtisan tu seras.
Ce faisant, tu tiendras le lieu d’un Aristarque,
Et parmi les savants seras comme un monarque.
Tu seras bienvenu entre les grands seigneurs,
Desquels tu recevras des biens et des honneurs,
Et non la pauvreté, des Muses l’héritage,
Laquelle est réservée à ceux-là en partage
Qui, dédaignant la cour, fâcheux et mal plaisants,
Pour allonger leur gloire accourcissent leurs ans.

Du Bellay eût voulu peindre Desportes et ses habiles façons d’agir, qu’il n’eût pas employé d’autres termes.

Son succès, comme poëte, avait été très-rapide.

Il fut tout aussitôt reconnu par la France
Un foudre de bien dire, un torrent d’éloquence,
Et, brusquement porté sur l’aile de ses vers,
Du clair bruit de son nom il remplit l’univers.

nous dit en assez bon style Jacques de Montereul. Ses œuvres eurent un grand nombre d’éditions pendant sa vie. Celle de 1583 est la première qui offre son troisième recueil de sonnets galants, publié sous ce double titre : Cléonice, Dernières Amours. Le poëte avait juré trop tôt que la passion ne l’entraînerait plus ; il s’éprit encore d’une grande dame, et, comme elle lui tient la dragée haute, il recommença de plus belle ses langoureux gémissements. Son ardeur ne laissait pas de lui surexciter l’imagination.

Je laisse au philosophe et aux gens de loisir
À mesurer le temps par mois et par journées ;
Je compte, quant à moi, le temps par le désir.

Colletet, dans sa Vie de Ronsard, prétend que la dame chan-