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Amour servoit de guide en ce secret voyage,
Qui chassoit toute crainte et luy donnoit courage.
Elle va l’œil au guet, pas à pas, doucement,
Et tressaut coup sur coup d’amoureux tremblement.
Si tost qu’au vieux palais sans bruit furent entrées,
Des trois jeunes amans elles sont rencontrées,
Qui, douteux jusqu’alors, sentoient dedans le cœur
Un combat incertain d’esperance et de peur.
Fleurdelys qui les voit reste toute esbahie.
S’enflamme de courroux, se plaint d’estre trahie,
Parle haut, se tourmente et, d’un cœur despité,
Blasme la belle Olympe et sa temerité.
Les amans tous confus ne sçavent que luy dire :
L’un fait mille sermens, l’autre esperdu soupire,
Et l’autre, d’un parler triste et passionné,
S’efforce d’amollir ce courage obstiné.
La pauvre Olympe mesme à jointes mains la prie,
L’appelle son desir, sa lumiere et sa vie,
La serre estroitement, embrasse ses genoux,
Puis quelquefois se fasche et luy parle en courroux.
Hé quoy ! luy disoit-elle, où est vostre asseurance ?
Où sont tous ces propos si pleins de vehemence,
Que vous me souliez dire afin de m’enflammer,
Avant que deux beaux yeux m’eussent forcé d’aimer ?
Quel charme ou quel demon maintenant vous travaille
Qu’au besoin laschement le courage vous faille ?
Comme un soldat craintif, qui bien loin du danger
Ne bruit que de combats, de forcer, d’assieger,
Parle haut des couards, leur lascheté reproche,
Puis fuit honteusement quand l’ennemy s’approche ;
Vous fuyez tout ainsi d’un cœur lasche et peureux,
Bien que vostre ennemy ne soit pas rigoureux.
Ainsi parloit Olympe, à bon droit courroucée ;
Mais pourtant Fleurdelys ne change de pensée,
Son esprit mal-contant ne peut estre appaisé ;
Nirée en vain la prie, ardamment embrasé,
Remonstre son amour, descouvre sa constance,
Se plaint de ses rigueurs, perd toute patiance.
Car il n’avance rien : ce courage endurci
Ne se peut condescendre à luy donner mercy.
Pendant qu’il parle à elle, ardant de mille flames,
Les amans desireux et les deux jeunes dames
Entrent au paradis tant de fois souhaité,
Agreable sejour de leur felicité.
O jeune enfant Amour, le seul dieu des liesses !
Toy seul pourrois conter leurs mignardes caresses,