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La mere des Amours de sa douleur touchée,
Ainsi qu’il luy sembloit, prés d’elle estoit couchée,
Sechoit ses larges pleurs, son dueil reconfortoit,
Et ce langage doux de sa bouche sortoit :
Beauté plus que mortelle, à mes yeux admirable,
Ma compagne, ma fille, aux deesses semblable,
Prenez cœur, ma mignonne, et souffrez doucement
Les angoisses d’Amour à ce commencement.
Apres beaucoup d’ennuis plus douce est la liesse,
Et jamais un grand heur n’est acquis sans tristesse,
Comme vous connoistrez : car je veux commencer,
Lasse de vos douleurs, à vous recompenser,
Si vous me voulez croire et chasser toute crainte,
Monstrant par vrais effets que vostre amour n’est fainte.
Oyez donc le conseil que je vous veux donner,
Et qu’un peu de hazard ne vous puisse estonner.
Toute chose facile est indigne de gloire ;
Plus grand est le peril, plus belle est la victoire.
Au fond du vieux palais, autresfois le sejour
Des demi-dieux de France, est un temple d’Amour :
A nuaux argentez la voute est toute painte ;
Là se voit, à main droite, une figure sainte
Du paradis heureux des amans fortunez,
De leurs longues douleurs à la fin guerdonnez.
Si tost que le soleil, commençant sa carriere
Pour porter aux humains la nouvelle lumiere,
Sera sur le midy, lorsqu’on n’y pense pas
Et que chacun s’attend à prendre son repas,
Ayant avecques vous pour compagne fidelle
Camille, attainte au vif de l’ardante estincelle
Des yeux de Floridant, qui meurt pour ses beautez,
Choisissez sagement les lieux plus escartez,
Et vous rendez sans crainte en cette heureuse place.
C’est la que vous sçaurez l’heur que je vous pourchasse,
Mes delices, mes jeux, mes gracieux tourmans,
Et de quelles douceurs j’enyvre les amans.
Venus, ce luy sembloit, à ces mots l’a baisée,
Laissant d’un chaud desir sa poitrine embrasée,
Puis disparut legere. Ainsi qu’elle partoit,
Le ciel tout rejouy ses louanges chantoit,
Les vents à son regard tenoient leurs bouches closes,
Et les petis Amours faisoient pleuvoir des roses.
Phebus aux cheveux d’or sur les monts paroissoit,
Et la nuit devant luy son grand veille abaissoit ;
Les fleurs s’ouvroient au jour, et la gaye arondelle
Saluoit en chantant la lumiere nouvelle,