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Seule fin de mes vœux, doux vent de ma navire,
Ma claire tramontane, heureux port où j’aspire,
Mon sang, mon cœur, mon tout, c’est or’ que je promets
Entre les mains d’Amour de vous suivre à jamais,
De n’adorer que vous, ne songer qu’à vous plaire,
Et jamais de vos yeux mes pensers ne distraire.
Le cours du tans leger toute chose emportant,
Le pouvoir du destin ou du sort inconstant,
Les cruautez d’Amour, la longueur d’une absence,
Les dedains, la raison, l’oubly, l’impatience,
Les jaloux desespoirs, le mespris, la rigueur,
N’effaceront jamais vos beautez de mon cœur.
La mer sera sans eaux, sans poissons et sans voiles,
Le soleil sans lumiere et la nuict sans estoiles,
Les dauphins en volant parmy l’air se paistront,
L’hyver en l’Ocean les fleurettes naistront,
Et l’Afrique aux chaleurs ne sera plus sujette,
Quand je me sentiray blessé d’autre sagette,
Et que d’autres desirs en moy feront sejour :
Le feu laisse la haine et s’arreste à l’Amour.
Mais je voy peu à peu que l’aube qui s’avance
Dechasse en s’approchant l’ombrage et le silance,
Et cet œil de la nuit, que j’ay tant reclamé,
Cede au char d’Apollon de rayons allumé.
Afin donc qu’en la nuit mon mistere demeure,
Ainsi qu’elle finit je cesse à la mesme heure,
Avec cet heureux vers saluant le beau jour :
Le feu laisse la haine et s’arreste à l’Amour.


ADVANTURE PREMIERE


EURYLAS


Enfant, l’aise et l’ennuy de la belle Cyprine,
Lance un rayon de flame en ma chaude poitrine
Et renforce ma voix, pour chanter dignement
Les amours d’Eurylas, sa gloire et son tourment,
L’heur de ses compagnons, la fin de leur martire.
Et les beautez d’Olympe, honneur de ton empire ;
Olympe aux yeux vainqueurs de tout cœur indonté,
Qui, gagnant un amant, perdit sa liberté.
Cette jeune deesse aussi fiere que belle,
En l’avril gracieux de sa saison nouvelle,
Erroit sans passion ainsi qu’il luy plaisoit,
Et (bien qu’innocemment) mille playes faisoit.