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Et voyant, ô regret ! sa feintise notoire,
La croyant, il se fasche et se hait de la croire ;
Mais il la croit pourtant, et la doit croire aussi,
Bien qu’en s’en souvenant il reste tout transi.
Or, quand ce souvenir à ses yeux se presente,
Helas ! c’est fait de luy, il crie, il se tourmente,
Il soupire, il sanglote, il est plus qu’au trespas
Et despite sa vie ; il chemine à grands pas,
Et cherche en ravassant les lieux plus solitaires,
Pour maudire à son gré les destins adversaires.
Il va de ses douleurs la terre ensemençant,
De ses cuisans soupirs l’air s’eschauffe en passant,
Et l’amoureuse Echo, d’aigre douleur contrainte,
Parmy les rocs cavez respond à sa complainte.
O feminin cerveau, dit-il en soupirant,
Traistre, feint, sans arrest deçà delà courant,
Contraire objet de foy, parjure et variable,
Que celuy qui te croit est pauvre et miserable !
Je t’ay creu toutesfois, aussi tu m’as fait voir
Combien ton naturel est propre à decevoir.
Mais, las ! qui ne t’eust creu ? cette aspre violance,
Ces sermens, ces propos, tant vrais en apparence,
Tant enflammez d’amour, tant chauds d’affection,
Ces regards desrobez, brûlans de passion,
Ces doux languissemens, ces mignardes caresses,
Ces larmes, ces propos et ces longues promesses,
Estoient-ce les tesmoins d’une legere foy,
Et qu’on favorisast les autres comme moy ?
Ah ! traistre et lasche cœur ! de quel masque hypocrite
As-tu sceu déguiser ta volonté maudite,
Sans que par mon amour, ny par ma fermeté,
J’aye peu retenir tant d’infidelité ?
On dit que Cupidon n’est jamais saoul de larmes,
Ni le dieu Thracien de meurtres et d’alarmes,
Les abeilles de fleurs, les chevres d’arbrisseaux,
De rivieres la mer, et les prez de ruisseaux ;
Mais qu’on dise aussi-bien que la femme inconstante,
De cent mille amoureux ne seroit pas contante.
En a-t-elle un acquis, elle en veut un nouveau,
Et jamais fermeté n’habite en son cerveau ;
Animal plein de ruse, indontable et volage,
N’ayant rien dans le cœur qui s’accorde au langage.
Las ! je croy que les dieux ardamment courroucez,
Un jour que les humains les avoient offensez,
Firent naistre icy bas pour punir leur audace
Et pour les travailler, la feminine race,