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Que ceux qui tous les jours ont fait nouveaux desirs,
Rejettant leurs defauts, non sans quelque apparance,
Ou sur vostre rudesse, ou sur vostre inconstance.
Vous n’en trouverez point qui, constant comme moy,
Contre tous mouvemens ait conservé sa foy,
N’ayant voulu changer ma douleur vehemante
A toutes les faveurs d’une plus douce amante ;
Et qui de tous costez me trouvant assailly,
D’un penser seulement contre vous n’ay failly,
Mais comme un ferme roc que les vents et la gresle,
La tempeste et les flots combatent pesle-mesle,
Et pour tous leurs efforts n’est jamais abatu,
Ains s’affermist plus tort, plus il est combatu,
Ainsi contre l’assaut de vos rigueurs cruelles,
Et contre les beautez de mille damoiselles,
Qui, las ! ne m’eussent pas comme vous rejetté,
Immuable et constant j’ay tousjours resisté,
Sans que pour mes travaux j’aye aucun advantage
Sur tant de vains muguets, dont l’ame est si volage,
Qui de bouche et de cœur sont feints et deguisez,
Mais plus (ce croy-je et crains) de vous favorisez.
O rigoureux Amour ! que les feux que tu verses
Font dedans nos esprits des brûlures diverses !
Je discours quelquesfois sur tes faits inconstans,
Mais plus je les recherche et moins je les entans.
Myrtis de mon amour couvertement soupire,
Je brûle pour Delon, Delon aime Thamyre,
Luy des traits de Myrtis se sent vivement poind ;
Myrtis belle à tout autre à mes yeux ne l’est point.
Voilà comme un enfant de nos flammes se jouë,
Et les ressorts trompeurs qui gouvernent sa rouë.
Est-ce que nos esprits il veuille ainsi ranger,
Pour faire voir sa force ou bien pour se vanger ?
O Dieu ! si tu le fais pour monstrer ta puissance,
Donte les rudes cœurs qui n’en ont connoissance.
Si c’est pour le venger de quelques vieux forfaits,
Helas ! ne puny point ceux qui ne les ont faits !
La loy seroit barbare et d’injustice pleine,
Si contre l’innocence elle ordonnoit la peine ;
Or je me puis vanter incoupable envers toy,
Ou ce seroit peché de n’avoir qu’une foy,
D’estre demeuré ferme aux plus cruels allarmes
D’avoir obstinément tousjours gardé ses armes,
Imprenable aux desdains, aux feux, à la rigueur :
Bref, n’avoir jamais eu qu’un amour dans le cœur.
Voilà ce que j’ay fait ; si c’est ton ordonnance,