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Ce que j’ay fait paroir de courage et de foy,
Depuis que je fay joug sous la puissante loy
De vos fieres beautez : puis en l’autre partie
Mettez les faux propos qui vous ont subvertie,
La foy des rapporteurs, quelle est leur volonté,
Ce qu’ils ont par service envers vous merité ;
S’ils ont dedans le cœur l’envie et la feintise,
Et quelle passion leurs courages attise.
Vous connoistrez alors si jamais j’entrepris
Acte dont justement je pensse estre repris,
Et si mon cœur se deult d’autre playe mortelle
Que du coup qu’il reçeut, quand je vous vey si belle.


ELEGIE V


Pour gage de ma foy, qui vous est dédiée
Tout le tans que ceste ame au corps sera liée,
Et mesme apres la mort, puis qu’apres le trespas
Dure le souvenir des choses d’icy bas,
En vous offrant ces vers, je vous offre, madame,
Mes yeux, mon sang, mon cœur, mes esprits et mon ame.
Et davantage encor, si j’ay quelque pouvoir :
Faites moy tant d’honneur que de le recevoir
Comme vostre qu’il est, bien que vostre merite
Ne doive faire cas d’offrande si petite,
Si vous ne mesurez mon vouloir qui me rand,
Se dédiant à vous, audacieux et grand.
Vous n’estimerez point, s’il vous plaist, que je pense
Faire avec du papier preuve de ma constance,
Et qu’en le faisant plaindre, et me plaignant aussy.
Je vous veuille encherir mon amoureux soucy,
Adjoustant aux douleurs dont mon ame est chargée,
Depuis que sous vos loix vous la tenez rangée.
Non, je ne le veux point : il faut que mon devoir,
Mon service et ma foy vous le fassent sçavoir,
Et que l’effort du tans, qui perce tout nuage,
Découvre si mon cœur est constant ou volage !
Ce que je vous requiers pour mon plus grand desir,
C’est que sans passion vous preniez le loisir
De me voir endurer, en vous faisant la preuve
Qu’une si ferme amour que la mienne on ne treuve.
Et si vous en doutez, pour le commencement
Ignorez si mon mal est foible ou vehement,
Et, sans jetter les yeux sur ma brûlante flame,
Permettez que sans plus vostre je me reclame,