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tuer à son indolence une action énergique, pour lui arracher le pouvoir par des moyens détournés. Une réunion des états généraux lui parut indispensable : convoqués à Blois, ils furent ouverts le 6 décembre 1576. Desportes avait suivi le prince, auquel il servait peut-être de secrétaire particulier, comme précédemment au marquis de Villeroy.

En même temps que lui était arrivé un jeune homme de vingt ans, qui allait, avec son aide, faire dans le monde un chemin rapide. Le comte de Matignon, député aux états généraux et gouverneur de la basse Normandie, où résidait la famille du débutant, l’avait amené pour le présenter au roi comme une merveille de la nature. Ce n’était rien moins que Davy du Perron, le futur cardinal. Il montrait une intelligence si précoce, il avait déjà tant de savoir, que chacun l’admirait. Le comte en parla au prince, qui voulut le voir. La réception eut lieu pendant le dîner. On adressa au jeune homme plusieurs questions sur diverses matières sérieuses, et ses réponses nettes, promptes, spirituelles, émerveillèrent les courtisans. Quelques-uns essayèrent de l’embarrasser ; mais il se tira si bien d’affaire, que l’étonnement redoubla. Les auditeurs furent unanimes pour le déclarer un prodige.

Desportes lui témoigna une bienveillance toute particulière. Touchard, abbé de Bellozane, et Joyeuse, un des mignons du roi, lui firent aussi l’accueil le plus gracieux. Mais un obstacle essentiel empêchait qu’on lui accordât de sérieuses faveurs. Du Perron professait le calvinisme, pour lequel ses parents avaient souffert les persécutions et l’exil. Étant allé à Paris, après la clôture des états généraux, il y obtint de grands succès en prononçant des discours publics. Cette vaine gloire cependant ne lui procurait pas le moindre avantage. Aussi Desportes voulut-il avoir un entretien avec lui.

« Qu’espérez-vous, lui dit-il, de ces applaudissements qui flattent vos oreilles ? N’ambitionnez-vous rien autre chose qu’une futile renommée ? Vous êtes jeune, vous avez besoin de faire fortune, et vous n’y parviendrez pas, si vous n’abjurez votre croyance. Moi-même, malgré toute mon affection pour vous, je n’oserais soutenir un schismatique. Laissez donc là une opinion dangereuse, qui vous éloigne de la prospérité. »

Ces observations firent réfléchir le jeune Normand. Il lut, dit-on, des livres de controverse, et un beau jour il vint déclarer au poëte courtisan que la lumière s’était faite dans son âme, qu’il voyait son erreur et était prêt à renier la foi de ses pères. La cérémonie eut lieu quelque temps après ; pouvant dès