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De ses traits plus aigus pour la belle Psiché.
Ce fut au mesme tans où l’on dit qu’esplorée
L’alloit cherchant partout la belle Cytherée,
Et lors que le troupeau des neuf savantes sœurs
L’arresta prisonnier d’une chaisne de fleurs.
Pendant qu’il fut captif, il beut en leur fontaine,
Apprist leurs doux mestiers et, soupirant sa paine,
Chanta si doucement, que les bois d’alentour
Vont encor racontant les amours de l’Amour.
Je disois une fois à celle que j’adore :
Maistresse, j’envoiray jusqu’au lict de l’Aurore
Sur l’aisle de mes vers l’honneur de ta beauté,
Et rien onc icy bas ne fut si bien chanté.
Tes soleils, esclairans mes tenebres passées,
Font germer en mon cœur tant de belles pensées,
Que si ces fleurs d’espoir ne poussent point en vain,
Mes vers ne tiendront rien d’un mortel escrivain.
Seconde seulement le dessein que j’embrasse,
Aidant de ta faveur le vol de mon audace ;
Je monteray si haut sur l’aisle de ma foy,
Que les plus haut-volans se verront dessous moy.
Ainsi, plein de l’ardeur qui boüilloit en mon ame,
Un jour, en me vantant, je disois à ma dame,
À la rare beauté dont esclave je suis,
Et pour qui, tout osant, l’impossible je puis.
Mais, ma dame, à ce coup je dédis ma promesse,
Je ne chanteray plus ; non, libre, je confesse
Que je n’ay plus de cœur, ny d’esprit, ny de voix ;
Mon audace premiere est morte à ceste fois.
Ces beaux mots amoureux, ces traits inimitables,
Qui flechiroient l’acier des cœurs plus indontables,
Et qui mesme pourraient les rochers allumer,
M’ont du tout ravy l’ame au lieu de m’animer.
Ils m’ont fait eux et toy sentir mesme dommage :
Tu m’as osté le cœur, ils m’ostent le courage,
Non celuy qui m’enflamme à servir tes beaux yeux,
Mais celuy qui vouloit pousser ton nom aux cieux.
Pourquoy ? ce diras-tu. Pour ce que tant de gloire
Fait brüire leur loüange au temple de memoire,
Que qui, presomptueux, les espere imiter,
Ressemble à Salmonée imitant Jupiter.
Ainsi troublé de honte, et de regret et d’ire,
Rompit son flageolet l’audacieux satire,
Apres qu’il eust ouy sur les tapis herbus
Des prez arcadiens la lire de Phœbus ;
Ainsi dedans un bois se taist comme charmée