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Médecis intervint et demanda sa mise à la retraite. Pour le coup le prince lui signifia son congé.

Un sort tragique semblait menacer toutes les femmes que chantait Desportes. Dans sa colère, mademoiselle de Châteauneuf épousa un Florentin nommé Antinotti, capitaine des galères à Marseille : le successeur de Henri III et de quelques autres peut-être ne se crut point tenu d’être fidèle. Mais la noble courtisane ne l’entendait pas ainsi. « L’ayant trouvé paillardant, nous dit un chroniqueur, elle le tua virilement de sa propre main[1].

Philippe Altoviti hérita de la place qu’il occupait et de sa fougueuse moitié. En faveur de cette alliance, Henri III le nomma baron de Castellane. Mais lui aussi devait périr d’une façon tragique. Ayant écrit au roi, en 1586, que le bâtard d’Angoulême[2] entretenait avec le maréchal de Montmorency des relations suspectes, le prince envoya sa lettre à l’accusé, grand prieur de France. Celui-ci, furieux, va trouver le dénonciateur, qui venait justement d’arriver à Aix pour l’assemblée des états. Le capitaine ne put nier le fait et demanda pardon au seigneur de l’avoir injustement soupçonné. Mais, peu satisfait de ces excuses, le grand prieur tire son épée, dont il blesse Altoviti. Pour se mettre en garde contre de nouveaux coups, l’Italien saisit son adversaire à bras le corps. Un gentilhomme du bâtard d’Angoulême survient au même instant, et, par excès de zèle, transperce Altoviti. Mais il enfonça trop son épée, qui atteignit le grand prieur et lui déchira les entrailles. L’Italien mourut aussitôt ; son antagoniste expira sept ou huit heures après, désespéré de cette catastrophe inattendue. Ses biens, ses bénéfices, son prieuré passèrent au fils que Charles IX avait eu de Marie Touchet, sous les auspices de notre poëte. Quant à la Châteauneuf, elle disparait dès ce moment dans les bas-fonds de l’histoire ; mais on suppose qu’elle termina son aventureuse carrière peu de temps après la mort du baron de Castellane.


IV


Cependant la faiblesse, l’incapacité de Henri III avait bientôt rendu sa position périlleuse ; la Ligue s’était formée pour substi-

  1. L’Estoile, Journal de Henri III.
  2. Fils de Henri II et de la belle Leviston, Écossaise, qui figurait parmi les demoiselles d’honneur de Marie Stuart.