Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.





ELEGIE


SUR LES


DERNIERES AMOURS DE MONSIEUR DESPORTES,


TOUTE CHANGÉE PAR L’AUTHEUR EN CESTE IMPRESSION.


______


Ainsi soupireroit au fort de son martyre
Le dieu mesme Apollon, se plaignant à sa lyre,
Si la flèche d’Amour avec sa pointe d’or
Pour une autre Daphné le reblessoit encor.
Celuy vrayment qui lit ces amoureuses plaintes,
Sans que l’Amour lui fasse esprouver ses attaintes,
Est un vivant rocher des plus mal animez,
Qui par Deucalion furent oncques semez.
Que ce roc, que ce plomb, que cette froide souche,
De sa profane main ces mysteres ne touche ;
Loin, qu’il s’en tienne loin, jusques à tant qu’un jour
Il soit purifié par la flamme d’Amour,
De peur que, s’irritant contre son arrogance,
La fureur de ce dieu n’en fasse la vengeance,
Comme d’un impudent, entrant contre son gré
Dedans le sanctuaire à son nom consacré.
Tu ne dois plus douter, ô grand fils de Cyprine,
Que tout cet univers desormais ne s’encline
Au pied de tes autels, si par tout l’univers
Se respand une fois le son de ces beaux vers.
Fussent-ils entendus au milieu des Tartares,
Ils molliroient l’acier des ames plus barbares,
Et, si ton feu divin des monts estoit senty,
Rendroient le mont Riphée en Aethne converty.
Comme loin quelquefois de peril et de paine,