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LXIX


Ma belle et chere mort, pourquoy me tuez-vous,
Doutant contre raison de ma foy pure et sainte ?
Helas ! c’est moy, mon cœur, qui seul dois avoir crainte,
Quand je vois vos beautez admirables de tous.

Tant d’amours, tant d’attraits, rigoureusement doux,
Ce teint, ce ris, ce front où la grace est emprainte,
Et ces beaux nœuds chatains, dont si ferme est l’étrainte,
Sont assez de sujets pour me rendre jaloux.

Laissez-moy donc tout seul avaller ce bruvage,
Et croyez qu’en l’esprit je n’ay que vostre image,
Je la sers, je l’adore, à toute heure, en tous lieux.

Je jure vos beautez et vos graces parfaites,
Que je ne suis plus rien que tel que vous me faites
Et que je vy sans plus comme il plaist à vos yeux.


CHANSON


Helas ! que faut-il que je fasse
Pour monstrer quel est mon amour,
Quand brûlant pour vous nuict et jour.
Vous pensez que je sois de glace ?

Afin d’averer toute fainte,
Ouvrez mon cœur que vous avez,
Et mes vœux plus ne recevez
Si dedans vous n’estes emprainte.

Mais, pour y graver autre image,
Le trait d’Amour n’est assez fort :
Elle y sera jusqu’à la mort,
Et plus, s’il se peut davantage.

Mes desirs de vous prennent vie,
Et cet heur les rend glorieux ;
Asseurez moy de vos beaux yeux,
Amour et Venus je deffie.

Il a bien fallu, ma deesse,
Que mon cœur fust de diamant,
Pour durer au feu vehemant
Et aux coups de vostre rudesse.

Non, il n’en est point sur la terre
Qui garde en l’esprit tant de foy ;
Je n’ay rien fragile de moy,
Que mes courroux qui sont de verre.