Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/286

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Leur imposa de luire, et depuis constamment
Ils vont gardant leur ordre et sont tousjours semblables.

Vous, les spheres d’amour, yeux, celestes flambeaux,
Luisez de cent façons divers et variables,
Mais doux ou courroucez tousjours vous estes beaux.


XXXIII


Vous qui fuyez les pas du vulgaire ignorant,
Et par maints grands labeurs gaignez la connoissance
Des secrets de nature, admirable en puissance,
D’entre les faussetez la verité tirant,

S’il est vray qu’à son bien tout homme aille courant,
D’où vient que je sois seul suivant ce qui m’offance ?
D’où vient qu’en le sçachant je n’y fay resistance,
Mais que de mon bon gré je le vay procurant ?

Ou, si c’est mon vray bien que d’adorer ma dame,
Pour quoy son doux regard n’appaise-t-il mon ame ?
D’où me vient tant de glace et de brûlans trespas ?

S’ils naissent de la voir, comment se peut-il faire
Que j’y coure à toute heure, ardant et volontaire,
Et craigne moins la mort que de ne la voir pas ?


STANCES


Soit que mon haut desir trop pront et trop ardant
M’offusque les esprits et les aille bandant,
Soit que devant mes yeux sans cesse elle revienne,
Soit que sa belle veuë ensorcelle la mienne,
Ou bien soit que plustost le ciel, qui l’aime tant,
Aille avecque les ans ses beautez augmentant,
Ou soit que de mes pleurs elle se face belle,
Je luy trouve tousjours quelque beauté nouvelle.

Soit que son jeune cœur ne puisse estre adoucy,
Soit qu’aux pleurs et aux cris il devienne endurcy,
Soit qu’elle n’ait pitié d’un tourment qu’elle ignore,
Ou soit que comme femme elle hayt qui l’adore,
Ou soit que mon penser lui semble audacieux,
Soit qu’elle veuille voir comment brûlent ses yeux,
Ou qu’elle soit d’amour l’ennemie immortelle,
Autant qu’elle est parfaite, autant elle est rebelle.

Soit que d’un feu si beau j’aime à me consumer,
Soit que le tans m’ait fait aux maux accoutumer,
Soit que mon entreprise assez me recompanse,
Soit que l’esprit s’obstine en trouvant resistance,
Soit que le cours du ciel m’ait donné cette loy,