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Mais la mort, qui se rit des puissances mondaines,
Et qui les pesans fers des vaincus peut casser,
Finira ma souffrance et vous fera cesser
De tirer pour tribut de mes yeux des fontaines.

Ma cendre seulement alors vous restera,
Que vostre cœur felon à son gré traitera,
Tandis que mon esprit, sans douleur et sans crainte,

Delivré de l’enfer où il fut tourmenté,
Jouyra bien-heureux de vostre grand’ beauté,
En la face de Dieu si vivement dépainte.


XXVIII


Ces froideurs, ces déclains, cette agreable audace,
Ne peuvent pas assez pour me desesperer ;
Ma foy fait en mon cœur l’espoir ferme durer,
Afin qu’amour tousjours y conserve sa place.

Ces propos tousjours pleins d’aigreur et de menace,
Cet œil qui s’embellist de me voir martyrer,
Ne feront que pour vous je sois las d’endurer,
Que je n’aime ma peine et que je ne l’embrasse.

Vostre beauté divine adoucist tellement
L’aigreur de mes ennuis, que je chante au tourment ;
Je beny vos rigueurs, j’adore ma souffrance.

Ma foy, d’autre costé pure et sainte à jamais,
Sert d’asseuré rempart à ma ferme esperance,
Et fait que vostre amour en fin je me promets.


XXIX


Bien que l’onde pesante et l’air humide et pront,
Pour croistre leur puissance ayent debat à toute heure,
La terre en leurs discords immobile demeure,
Et du grand univers l’ordre ne se confont.

Aussi, bien qu’en mon cœur les soupirs qui se font,
Ayent debat éternel avec l’eau que je pleure,
Leur quereleux discord ne fait pas que je meure :
Avec un peu d’espoir mes esprits se refont.

Mais, si le feu leger les élemens excede
D’un trop puissant effort, on verra sans remede
L’air flambant, l’eau tarie et la terre brûler.

Las ! je crains que par trop dans mon ame il abonde,
Et que je face au ciel tant de flammes voler,
Que, nouveau Phaëton, je rebrûle le monde.