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Comme l’autre soleil n’est point touché d’envie,
Ombrageant les honneurs d’une moindre beauté ;

Ains, par l’aimable effort de ses flammes jumelles,
Celles qui sont aupres en deviennent plus belles,
Et tout objet voisin en rend plus de clairté.


XXV


Qui veut fermer l’entrée aux peu chastes pensées,
Et par feu, comme Hercule, immortel devenir ;
Qui veut de beaux desirs son ame entretenir,
Fuyant les vanitez du vulgaire embrassées ;

Qui veut au ciel d’amour voir ses ailes haussées,
Et de tous vieux ennuis la mémoire bannir,
Vienne au jour de vos yeux s’il les peut soustenir,
Beaux yeux, les doux meurtriers de mes paines passées.

Quiconque ainsi que moy s’y peut ferme arrester,
D’autres biens ne sçauroit son esprit contenter ;
Tout objet du commun l’offense et le travaille.

Les tourmens ne pourroient l’en priver tant soit peu,
Et, comme la vestale avait soin de son feu,
Il conserve le sien de peur qu’il ne luy faille.


XXVI


Je voy mille clartez et mille choses belles,
Mais c’est tout par vos yeux, les miens ne sçauroient voir ;
Vostre esprit tout divin me rend plain de savoir,
Je volle au plus haut ciel, emporté sur vos ailes.

Vous me rendez gelé dans les flammes cruelles,
Ainsi comme il vous plaist vous me faites mouvoir,
Vous me donnez raison, jugement et pouvoir,
Vous estes mon destin et mes lois éternelles.

De vous et non du ciel je reçoy qualité,
D’un clin de vos beaux yeux je fay ma volonté,
Vous me donnez l’essence et la forme premiere.

Sans vous je suis pareil à cet œil de la nuit,
Qui n’est de soy visible et qui point ne reluit,
Si des rais du soleil il ne prend sa lumiere.


XXVII


Les combats renommez, les victoires hautaines
Des dieux de vostre sang vous croyez surpasser,
Comblant de feux mon ame, esclavant mon penser,
Et triomphant d’un cœur soumis à tant de paines.