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Pour ne l’esblouyr pas de se divine flame.

Sinon je ne puy dire, en chantant vos beautez,
Fors que je vey des feux et de grandes clairtez,
Qui troublerent ma vuë et brûlerent mon ame[1].


XX


À la beauté du ciel vostre beauté j’égale :
Le ciel en sa rondeur toute forme contient
Et par son mouvement crée, esmeut et maintient ;
De semblables effets vous estes liberale.

Car vostre belle veuë, admirable et fatale,
Crée en nous les amours, les garde et les soustient,
Et tant de beaux pensers, dont l’esprit s’entretient,
Ont leur mouvement d’elle et leur forme ideale.

Le clair soleil du ciel fait naistre en tournoyant
Les fleurs, l’or precieux, le rubis flamboyant,
Dont mainte dame apres son beau chef environne.

Les soleils de vos yeux, mon esprit allumans,
Y produisent sans fin perles et diamans,
Dont j’espere en mes vers vous faire une couronne.


XXI


Le tans leger s’enfuit sans m’en apercevoir,
Quand celle à qui je suis mes angoisses console :
Il n’est vieil, ny boiteux, c’est un enfant qui vole,
Au moins quand quelque bien vient mon mal deçevoir.

À peine ai-je loisir seulement de la voir
Et de ravir mon ame en sa douce parole,
Que la nuict à grand pas se haste et me la volle,
M’ostant toute clarté, toute ame et tout pouvoir.

Bien-heureux quatre jours, mais quatre heures soudaines !
Que n’avez vous duré pour le bien de mes paines ?
Et pourquoy vostre cours s’est-il tant avancé ?

Plus la joie est extrême et plus elle est fuitive ;
Mais j’en garde pourtant la memoire si vive,
Que mon plaisir perdu n’est pas du tout passé.


  1. Traduction d’un sonnet italien dont voici le début :

    S’amate, almo mio sol, ch’ io canti, o scriva
    L’alte bellezze, onde ’l ciel volse ornarvi,
    Oprate si, ch’ io possa almen mirarvi,
    Per potervi ritrar poi vera et viva.