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Choisissez-moy pour but aux traits de vos rigueurs.

Mais, s’il faut tenir cher ce qu’on a tout à soy,
Me pouvez-vous blesser sans vous estre cruelle ?
Chacun peut vous aimer, mais non pas comme moy ;
Chacun n’a pas mes yeux, bien qu’il vous trouve belle.


EPIGRAMME


Privé du bel astre amoureux
À qui mon ame est asservie,
Entre mille ennuis rigoureux
Le dueil ne peut m’oster la vie.

Au retour, par contraire effort,
Si l’aise d’esprit ne me prive,
Liesse ou douleur excessive
Ne suffit pour donner la mort.


XVIII


Ceste belle ennemie et d’amour et de moy,
Qui presqu’en se joüant range tout en servage,
A pour soldats choisis et pour riche équipage
L’honneur, la chasteté, la constance et la foy.

Un seul mauvais penser n’a place aupres de soy,
La vertu toute vive est peinte en son visage :
Si bien que qui la voit leve au ciel son courage,
Et des desirs communs n’esprouve point la loy.

Ses yeux sont deux soleils de beauté si parfaite,
Que d’Amour et de Mars la lance et la sagette
N’ont point tant de pouvoir contre une liberté.

La grace et la douceur sont tousjours avec elle.
Cette belle deesse, ah ! non seulement belle,
Ains Bellone et guerriere, ainsi m’a surmonté.


XIX


Douce fin de mes vœux, s’il vous plaist que j’escrive
Ces parfaites beautez, dont vous blessez les dieux,
Faites tant que je puisse en vous tenir les yeux,
Durant que je m’essaye à vous pourtraire vive.

Car il ne faut penser autrement que j’arrive
Au moindre des beaux traits que vous avez des cieux,
Veu qu’il sort de vostre œil tant d’esclairs radieux,
Qu’une si grand’ clarté de lumiere me prive.

Faites comme Phœbus, quand son fils s’approcha,
Qui de son chef doré les rayons destacha,