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Desportes, il les tua l’un et l’autre dans un accès de fureur[1]. Le poëte rima l’épitaphe de la volage et charmante victime, mais sans faire allusion à son genre de mort. Il gémit en outre sur sa fin tragique dans une pièce de cent trente-six vers[2].

Les deux livres des Amours de Diane, au surplus, ne renferment pas uniquement les sonnets, chansons, allégories, complaintes et dialogues adressés à l’inconséquente et malheureuse princesse. L’auteur y a évidemment inséré une foule de morceaux composés pour Charles IX et le duc d’Anjou, suivant un désir bien naturel aux écrivains de réunir leurs travaux épars.

Le sonnet À mademoiselle Jeanne de Brissac se trouve dans cette édition et à la suite on lit des stances, que les imprimeurs en ont séparées depuis, mais qui lui servent de commentaires. Elles débutent ainsi :

Lorsque j’écris ces vers, il ne faut que l’on pense
Que, trop audacieux, je n’aye connoissance
Et de votre grandeur et de ma qualité ;
Car je jure vos yeux et leur puissance sainte,
Que je garde en ceci le respect et la crainte,
Dont il faut révérer une divinité.

Je veux bien croire à l’humble adoration du poëte, mais ces deux morceaux n’en prouvent pas moins qu’il courtisait une parente de Diane, pendant que celle-ci agréait ses hommages et l’enivrait de caresses.

Du Radier forme des conjectures assez vagues sur la seconde maîtresse chantée par Desportes. Il croit que c’était Hélène de Surgères, la même que Ronsard a si hautement célébrée. Comme le sonnet dont il s’autorise termine les Amours de Cléonice, il ne peut se rapporter qu’à cette dernière. Aussi le critique, dans son incertitude, paraît-il encore disposé à voir en elle Hippolyte Bouchard, vicomtesse d’Aubeterre, nièce de Brantôme et alliée à la maison de Vivonne ; mais il n’appuie d’aucune preuve cette nouvelle hypothèse. Or des indications précises, détaillées même, auraient seules de l’intérêt, en éclairant la biographie de Desportes, en nous initiant aux mœurs de la cour, en faisant revivre pour nous ces aimables créatures, qui se sont depuis longtemps évanouies dans la région des fantômes.

Desportes se plaint souvent des rigueurs ou des infidélités qu’il éprouve. Sa figure contribuait sans le moindre doute à ces infortunes amoureuses. Il n’avait pas la beauté qui séduit ou en-

  1. Du Radier, loc. cit.
  2. Voyez à la fin du volume, p. 484.