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Que j’estoy malheureux ne vous connoissant pas !
Comme un qui va de nuict, je chopoy tous les pas.
Et prenoy pour ma guide une foible estincelle.

Depuis, le ciel benin, pour me recompenser,
Me fit voir un soleil, dont la flamme est si belle,
Qu’on n’en peut approcher seulement du penser.


VIII


Cet œil du firmament tousjours resplendissant,
Qui rend comme il luy plaist les saisons differantes,
Pere des animaux, des metaux et des plantes,
Sans qui rien icy bas ne peut estre naissant,

Son voyage infini tous les ans finissant,
N’outrepasse jamais les ceintures ardantes
Du cancre et de la chièvre, et, comme les errantes,
Des vapeurs de la mer va son feu nourrissant.

Mon soleil, qui sur l’autre a beaucoup d’avantage,
De mes yeux à mon cœur fait ainsi son voyage,
Et sans outrepasser de mes pleurs se repaist.

Mais, ô belle planette ! ô ma flamme derniere !
Helas ! vous le voyez, je suis, et m’en déplaist,
Trop petit ocean, pour si grande lumiere.


IX


Si par vostre beauté, digne d’une immortelle,
Je sens geler mon ame et mon cœur enflamer,
J’en accuse le ciel plustost que vous blasmer :
La faute en est à luy, qui vous forma si belle.

Et si, volant trop haut, où mon desir m’appelle,
L’audace ou le malheur me contraint d’abysmer,
La faute en est d’Amour qui me fait vous aimer
Et croire que la mort pour vous n’est point cruelle.

Mais, si vous me voyez devant vous tressaillir,
Rêver, pallir, rougir, les propos me faillir,
Et me dissimuler d’une feinte peu caute,

Me plaire en mes pensers, me separer de tous,
Et que vous ne croyez mon mal venir de vous,
Je pense avoir raison d’accuser vostre faute.


X


Trois fois les Xanthiens au feu de leur patrie
Se sont ensevelis avec la liberté ;
Et le vaillant Caton d’un esprit indonté,