Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/271

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

S’oppose à ce soleil ardamment bluettant,
Tout flammeux de rayons, tout rayonneux de flame.
Voila ses os brûlez dessus un lict d’encens,
Voila soudain que l’ame en a esté ravie,
Ces beaux vers animez heureusement naissans
De la cendre d’Amour, où l’Amour reprend vie.

Or estant le Phœnix (cet oiseau qui tremousse
Des ailes à la flamme) unique comme il est,
Rien qu’un ver seulement de ses cendres ne naist
Et, petit Phœnisseau, d’autres ailettes pousse ;
Mais ces beaux vers éclos pour faire des Amours,
Sortent en si grand nombre à la fois de leur cendre,
Et prennent en naissant tant d’ailes tous les jours,
Que, les nommant Phœnix, j’ay crainte de mesprendre.

Soient Amours ou Phœnix, leurs ailes sont bien fortes.
Mais, si tant de beaux vers, aux Amours destinez,
Portent autant d’Amours amoureusement nés,
Que d’Amours porteront les Amours de Des-Portes ?
Et si c`est un Phœnix que chacun de ses vers,
Que de rares beautez, que de raritez belles !
Et combien volera son nom par l’univers,
Si chacun de ses vers en naissant prend des ailes !

I. Davy, sieur du Perron[1].


______


  1. Le même qui devint cardinal en 1604 et joua un si grand rôle pendant nos luttes religieuses. Il était né dans le canton de Berne, le 25 novembre 1556, d’une famille normande retirée en Suisse pour fuir la persécution. Sa mémoire prodigieuse lui permit d’acquérir un savoir extraordinaire. Desportes lui conseilla d’abjurer le calvinisme et le fit entrer, comme lecteur, dans la maison de Henri III. Il embrassa l’état ecclésiastique, où il parvint rapidement aux honneurs. Ce fut lui qu’on chargea d’endoctriner Henri IV avant son abjuration. Il publia un volume de poésies et de traductions en vers, et mourut à Paris le 5 septembre 1618. Le morceau qu’on vient de lire efface, comme recherche, les sonnets les plus alambiqués de Ronsard et de Desportes. Il faut beaucoup d’attention rien que pour le comprendre.