Page:Œuvres de Philippe Desportes (éd. 1858).djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.





STANCES


SUR LES


AMOURS DE MONSIEUR DESPORTES


______



Voicy le beau soleil en sa course premiere,
Qui, dès son orient, seme plus de clairté
Que le soleil du monde, au plus chaud de l’esté,
Ardant en son midy, ne jette de lumiere ;
À qui tous les esprits, quelque luisans qu’ils soient,
Au point de son lever sont astres à l’aurore,
Faisant recacher ceux qui desjà paroissoient,
Et retenant cachez ceux qui l’estoient encore.

Soleil des beaux esprits, lumiere claire et sainte,
Des autres tans l’envie et du sien l’ornement,
Qui fait luire son siecle, et voille obscurément
Tout le passé de honte et l’avenir de crainte ;
Qui seule monstre plus en effet de sçavoir
Que n’a fait, ny fera nulle autre en apparance ;
De ce que l’on a veu, de ce qui reste à voir,
Toute l’experience et toute l’esperance.

Voicy le beau Phœnix, humble, qui se vient rendre
Pour hommage soy-mesme à ce nouveau soleil,
À un nompareil astre un oiseau nompareil,
Et sa vie à celuy dont il la doit reprendre ;
Car les ailes d’Amour font qu’il est un oiseau ;
Mais ce qu’il est si rare en ce tans, le fait estre
Un Phœnix, dont la tombe est l’unique berceau,
Qui rend l’ame au soleil, pour au soleil renaistre.

Amour, nouveau Phœnix, pour chercher nouvelle ame,
Sur un lict de senteurs ses ailes agitant,