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Je n’accuse le ciel pour un si beau malheur,
Ny pour me voir au joug d’une maistresse dure :
Car ce m’est reconfort de penser que j’endure
Pour la plus grand’ beauté la plus griève douleur.

Je me plains seulement que l’astre de ma vie
Sa divine clairté si soudain m’ait ravie :
À peine il apparoist lors que je suis privé,
Et l’œil, ma seule guide en l’amoureux voyage,
Peu fidelle me laisse au plus fascheux passage !
Las ! dès le point du jour mon soir est arrivé.

Pauvres yeux desolez, qui vous souliez tant plaire
En l’objet bien-aimé de ma douce contraire,
Et de m’avoir trahy vous teniez glorieux,
Faites de vostre erreur maintenant penitence,
Et devenez torrens pour pleurer cette absence ;
Mais, pour la bien pleurer, c’est trop peu que deux yeux.




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