Du premier regard s’allumant ;
L’Amour est foible à sa naissance,
Mais le tans luy donne accroissance,
Et le guide à perfection ;
Il faut donc de la connoissance
Pour fonder une affection.
Mais surtout qui veut vivre heureuse,
La grandeur ne doit estimer,
L’amour des grands est dangereuse,
Et ne se peut assez blasmer ;
Sujette au bruit et à l’envie,
De mille ennuis elle est suivie.
Celle qui s’y veut hazarder
Se trouve à la fin asservie,
Au lieu qu’elle doit commander.
Chacun d’eux de soy tant presume
Qu’il pense estre aimé par devoir ;
Ils brûlent comme on les allume,
L’œil d’autruy les fait esmouvoir ;
Et, dès que leur ame est esprise,
Fureur guide leur entreprise,
Tout conseil arriere est laissé,
Puis ne font cas apres la prise
Du bien qu’ils ont tant pourchassé.
Suivez le conseil des deesses,
Qui n’ont aimé si hautement,
Et, puis que vous estes maistresses,
Retenez le commandement ;
Fuyez aussi toute accointance
De ces muguets pleins d’apparance,
Qui se paissent de vanité,
Et qui fondent leur recompanse
Plus au bruit qu’en la verité.
Si quelque heur en amour se treuve,
Il vient d’avoir bien sçeu choisir,
Et sur une constante preuve
Avoir arresté son desir ;
Celuy qui garde en sa pensée
Une amour de loin commençée,
Tousjours sagement retenu,
Et qui ne l’a jamais laissée,
Merite estre bien reconnu.
Celuy qui, discret et fidelle,
Sans gemir s’est laissé brûler,
Et à qui la peine cruelle
N’a jamais rien fait deceler ;
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