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Pour les deffaire apres avec moins de deffanse.

Eh bien, je mourray donc : et la fin de ma vie
Sera fin de mon mal et de vostre desir.
Je mourray bien contant de vous faire plaisir,
Mais fasché que de moy ne serez plus servie.

C’est de ce seul regret que la pointe m’entame,
Et qui fait que je meurs triste et desesperé,
Avec cet autre soin dont je suis martyré,
Sçavoir apres ma mort que deviendra mon ame.

Sa constance et sa foy, sa dépoüille meurtrie,
Son martyre enduré la doit faire sauver ;
Mais je crains d’autre part de la voir reprouver,
Et damner à bon droit pour son idolatrie.

Car en vous seulement elle avoit sa fiance,
Au plus fort des tourmens vostre nom reclamoit,
N’adoroit rien que vous, et constante affermoit
Qu’il n’estoit nul salut hors de cette creance.

Et qui plus est encor, elle est tant obstinée,
Que cette vieille erreur ne veut point delaisser,
Et dit, pour tout confort, qu’il luy plaist de penser
Que pour trop vous aimer elle sera damnée.


CHANSON


Pour voir ma fin toute asseurée,
Que vos rigueurs ont preparée,
Je ne me plains aucunement ;
Car veu la douleur qui m’offense,
La mort, venant soudainement,
Me tiendra lieu de recompense.

Sans plus pour mes yeux je me plains,
Ces yeux qui vous ont veu si belle,
Privez d’une lumiere telle,
Faut-il, helas ! qu’ils soient estains ?

Faut-il aussi que mes oreilles,
Apres tant de douces merveilles
Ravissant l’esprit bien-heureux,
Pour jamais demeurent fermées,
Sans que vos propos amoureux
Les puissent plus rendre charmées ?

Ce m’est un ennuy trop amer,
Qu’il faille que ce cœur perisse,
Qui fut nay pour vostre service,
Et qui osa bien vous aimer.

Mais en ce regret qui m’affolle
Peu à peu je me reconsole,