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Ores sans bride à son gré me transporte,
Me doy-je plaindre ainsi comme je fais ?
Un nouveau mal fait de nouveaux effets,
Plus de beauté plus de tourment apporte.
En ma douleur c’est pour me consoler
Que j’aye osé si hautement voler,
Et que la peur mon courage ne change ;
Par les hazards l’honneur se doit chercher.
Quand le malheur me fera trébucher,
L’avoir osé m’est assez de loüange.
L’homme grossier, en la terre arresté,
Me peut nommer plein de temerité ;
J’aime trop mieux estre veu temeraire,
Que de cœur lasche et d’esprit abbatu,
Un seul sentier n’est clos à la vertu,
Et au coüard rien n’est facile à faire.
Les grands palais sont plus battus de vans,
Et les hauts monts, vers le ciel s’élevans,
Presque toujours sont frappez de l’orage ;
Mais c’est tout un ; du ciel nous approchant,
Cherchons la mort, plustost qu’en nous cachant
Vivre et monstrer qu’ayons peu de courage.


L


Bien souvent Hippolyte, à grand tort courroucée,
Arme son cœur de glace, et d’éclairs ses regards,
Preste à lascher sur moy tant de feux et de dards,
Que la mort pour me prendre a la main avancée.
Mais, voyant de frayeur mon audace abaissée,
Ma force évanouye et mes sens tous espars,
Elle qui fait trophée et d’Amour et de Mars,
Dédaigne une despoüille à ses pieds renversée.
Elle appaise son ire et rend l’un de ses yeux
Aussi doux et serein que l’autre est furieux,
Faisant luire une paix au travers de ma guerre.
Puissé-je un jour au ciel ce miracle envoyant,
Apprendre à Juppiter le grand Dieu du tonnerre,
Comme il peut estre doux mesme en nous foudroyant.


LI


L’eau tombant d’un lieu haut goute à goute a puissance
Contre les marbres durs, cavez finablement ;
Et le sang du lion force le diamant,
Bien qu’il face à l’enclume et au feu resistance.