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Et clost, de peur d’estre benine,
L’oreille au son de mes douleurs.
D’autant qu’elle poursuit ma vie,
D’ennuis mon service payant,
Je la diroy mon ennemie,
Mais je l’adore en me hayant.
Las ! que ne me puis-je distraire,
Connoissant mon mal, de la voir ?
Ô ciel rigoureux et contraire !
C’est toy qui contrains mon vouloir.
Ainsi qu’au clair d’une chandelle
Le gay papillon voletant,
Va grillant le bout de son aile,
Et perd la vie en s’esbatant ;
Ainsi le desir qui m’affole,
Trompé d’un rayon gracieux,
Fait, helas ! qu’aveugle je volle
Au feu meurtrier de vos beaux yeux.


CHANSON


Que n’ay-je la langue aussi pronte,
Lors qu’en tremblant je vous raconte
L’ardeur qui me fait consumer,
Que je fus pront à vous aimer ?
Quand vostre œil de moy se retire,
Je conte si bien mon martire
Et l’effort de vostre rigueur,
Qu’il n’y a rocher si sauvage,
Bois si dur, ne si sourd rivage,
Qui n’ait pitié de ma langueur.
Mes yeux deux rivieres coulantes,
Mes paroles toutes brûlantes,
Mes soupirs menus et pressez,
Ma douleur tesmoignent assez.
Mais, dès que de vous je m’approche,
Mon cœur se gelle et devient roche ;
Devant vos attraits gracieux
Je pers esprit, voix et haleine ;
Et, voulant vous conter ma peine,
Je ne sçay parler que des yeux.


STANCES


Si je languy d’un martire inconnu,
Si mon desir jadis tant retenu,