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Le siége de la Rochelle était une conséquence de la Saint-Barthélemy, que le duc d’Anjou avait si fortement conseillée, à laquelle il avait pris tant de part. Ce hideux massacre, cette œuvre infernale exécutée au nom du ciel, ne semble pas avoir beaucoup ému Desportes ; il soupirait, comme on voit, des plaintes amoureuses pendant que son patron allait combattre les huguenots, qui ne voulaient point se laisser tranquillement égorger. Une de ses meilleures chansons, écrite sans le moindre doute à cette époque, attendu qu’elle se trouve dans le premier livre des Amours de Diane, prouve encore son indifférence politique[1]. L’auteur y assimile complétement les tribulations que lui cause l’amour à la guerre intestine qui déchire la France. Une lutte si cruelle lui paraît uniquement une source de métaphores. S’identifiant avec les huguenots dans ses vers subtils, l’élégant poëte termine ainsi sa comparaison, adressée à une femme, bien entendu :

Comme eux je suis troublé de rage,
Comme eux je cause mon dommage
Pour plaire à mon opinion ;
Comme eux mon mal même j’ordonne,
Et pour vous je me passionne
Comme eux pour leur religion.

L’un d’eux des honneurs se propose,
L’un des biens, l’autre plus grand’ chose,
L’autre un paradis bienheureux :
Les biens, les honneurs et l’empire,
Et le paradis où j’aspire,
C’est d’être toujours amoureux.

Quelle insouciance révèlent ces strophes ! Quel mélange de sang et de volupté, de galanterie et de carnage ! Desportes est bien de cette race française, qui joue avec la vie et avec la mort.



III


Après cinq mois d’un siége inutile et meurtrier, pendant lequel il avait été élu roi de Pologne, grâce aux manœuvres de


    mais le siége ayant commencé plus tôt et le voyage du prince étant décidé depuis quelques mois, les adieux furent écrits avant le départ.

  1. Voyez ce morceau, très-heureux de forme, page 59.