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LES AMOURS D’HIPPOLYTE.


Façent qu’apres mille ans les François estonnez
Gardent le souvenir d’une belle Hippolyte,
Plaignant les coups mortels que ses yeux m’ont donnez.


XXXV


Ce jour un pauvre amant triste et desesperé,
L’ame en feu, l’œil en pleurs, le cœur plein de tristesse,
Et la bouche en regrets, éloigne sa deesse,
Forcé du ciel cruel contre luy conjuré.

Helas ! à ce depart s’il se voit separé
De ce qui l’a fait vivre heureux en sa destresse :
Que ne meurt-il soudain sous le faix qui l’oppresse,
S’affranchissant du mal trop long-tans enduré ?

Aussi seroit-il mort : une si triste absance
Eust finy prontement sa vie et sa souffrance :
Mais le grand dieu d’Amour, juste vangeur du tort,

Pour plus le tourmenter le fait vivre sans ame ;
Car l’amant qui se peut éloigner de sa dame,
N’est pas assez puni par une seule mort.


XXXVI


Ô mon cœur plein d’ennuis que, trop pront, j’arraché,
Pour immoler à une, helas ! qui n’en fait conte !
Ô mes vers douloureux, les courriers de ma honte,
Dont le cruel Amour ne fut jamais touché !

Ô mon teint pallissant, devant l’âge seiché,
Par la froide rigueur de celle qui me donte !
Ô desirs trop ardans d’une jeunesse pronte !
Ô mes yeux dont sans cesse un fleuve est espanché !

Ô pensers trop pensez, qui rebellez mon ame !
Ô debile raison ! ô lacqs ! ô traits ! ô flame !
Qu’Amour tient en ses yeux trop beaux pour mon malheur.

Ô douteux espérer ! ô douleur trop certaine !
Ô soupirs embrasez, témoins de ma chaleur !
Viendra jamais le jour qui doit finir ma peine ?


XXXVII


Durant qu’un feu cruel dedans Rome saccage
Tant de palais dorez, tant de superbes lieux,
Et qu’un bruit tout confus fait retentir les cieux,
Les Romains malheureux lamentant leur dommage,

Néron, fusil de meurtre, et de flamme et de rage,
Se rit de leurs regrets, cruel et furieux,