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Me fist voir aussi-tost mon apparent danger,
Mon malheur tout certain, mon audace et ma perte,
Et ma prochaine mort de vos beautez couverte.

« Voy bien ce que tu fais (dit cet aveugle enfant)
Car si ses deux beaux yeux vont ton ame échauffant,
Et malgré la raison te forcent de me suivre,
Chasse au loin tout plaisir, n’espere plus de vivre,
Banny-toy de toy-mesme, et, triste desormais,
Ne pense plus gouster de repos ny de paix ;
Et pour comble de mal, en prison si cruelle,
Desespere plus fort, plus tu seras fidelle. »

Assez d’autres propos Amour me sçeut tenir,
Amour, prophete seur de mes maux à venir ;
Mais il n’avança rien. Ma volonté forcée
Suivit obstinément sa course encommencée,
Resolu d’endurer tout ce qu’on peut penser,
Et lasser les tourmens plustost que me lasser.

Aussi, belle Hippolyte, au milieu du martire
Un soupir seulement de mes flancs je ne tire,
Je ne me plains jamais de tant de cruautez ;
Mais, quand vous me tuez, je chante vos beautez,
Et ne vous blasme point de m’estre si rebelle,
Car je me suis promis que vous me seriez telle,
Et n’atten pas de vous un plus doux traitement,
Que mourir sans pitié servant fidellement.


XXXI


Quand le soleil doré laisse nostre hemisphere,
Tournant ailleurs le cours de ses chevaux ailez,
S’il paroist peu souvent, si les jours sont gelez,
Le desir des humains par l’espoir se modere.

Mais apres son retour, qu’on s’attend qu’il éclaire
Si d’un nuage épais ses rayons sont voilez,
Hommes, bestes, oiseaux, en sont tous desolez ;
Et les champs trop baignez ne font que se déplaire.

Ainsi, quand loin de moy mon soleil se tenoit,
Bien que mon mal fût grand, l’espoir me soustenoit,
Et, souffrant constamment, j’attendoy sa présence.

Mais, voyant qu’au retour il m’est tousjours caché,
Je me noye en mes pleurs, languissant et fasché,
Et plus je vay avant, moins j’ay de patience.


XXXII


Deux clairs soleils, la nuict estincelans,
Et une main trop belle et trop cruelle