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LES AMOURS D’HIPPOLYTE.

Le plaisir que vostre œil me donne.

D’autres fois quand, tout abbattu,
Je languy foible et sans vertu,
Vostre beauté ma mort retarde ;
Devant vous mes soucis s’en vont,
Et du mal que vos yeux me font,
Je guary quand je vous regarde.

Le traistre, ennemy de ma paix,
Me voyant tomber sous le faix,
A peur que trop-tost je finisse ;
Et fait comme un bourreau cruel.
Qui donne à boire au criminel
Pour le reserver au supplice.

Ainsi pour plus me tourmenter,
Quelquefois il me fait gouster
D’un plaisir de peu de durée ;
Mais, las ! j’espreuve aussi soudain
Que ce n’est qu’un songe incertain,
Et que ma paine est asseurée.

Mon cœur qui souloit paravant
Voller leger comme le vant,
Au gré de mille damoiselles,
Volle autour de vous seulement,
Comme oiseau pris nouvellement,
Auquel on a coupé les ailes.

Quelquefois lassé d’endurer,
Je suis contraint de murmurer,
Invoquant la mort inhumaine :
Mais, quand je la sens accourir,
Je tremble, et ne veux pas mourir,
De peur de voir mourir ma paine.

Mais en vain j’irois esperant
De trouver remede en mourant,
Contre le desir qui m’enflame,
Tousjours durera ma douleur ;
Car mon amoureuse chaleur
Est de l’essence de mon ame.


LE COURS DE L’AN


L’an, comme un cercle rond qui tout en soy retourne,
En soy mesme revient tousjours en mouvement,
Et du point de sa fln reprend commencement,
Courant d’un pié glissant qui jamais ne séjourne.

Ma peine en est ainsi, peine, helas ! trop cruelle !
Qui change à son plaisir mes saisons et mes jours ;