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LES AMOURS D’HIPPOLYTE.

Et si ma mort vous peut rendre assouvie,
Ce m’est plaisir de mourir en langueur.

Helas ! je faux, vos yeux cruels et doux
Par trop d’amour m’ostent la connoissance :
Car me hayant sous vostre obeïssance,
C’est vouloir mal à ce qui est à vous.

Je ne faux point, je vous dois obeïr :
Comme il vous plaist je suis contraint de faire.
Connoissant donc que vous m’estes contraire,
Et me hayez, doy-je point me hayr ?

Voilà pourquoy, si plein d’inimitié,
Je me poursuy d’une guerre immortelle :
Contre mon cœur mes desirs je rebelle,
Et de mon mal je n’ay point de pitié.

Les yeux ouvers je cours à mon trespas,
Et suy l’advis d’Amour mon adversaire :
Ô malheureux ! faut-il donc que j’espere
Que vous m’aimiez, quand je ne m’aime pas ?


CHANSON


Quel feu par les vens animé,
Quel mont nuit et jour consumé
Passe mon amoureuse flame ?
Et quel ocean fluctueux
Escume en flots impetueux
Si fort que la mer de mon ame ?

L’hyver n’a point tant de glaçons :
L’esté tant de jaunes moissons,
L’Afrique de chaudes areines,
Le ciel de feux estincelans,
Et la nuict de songes volans,
Que pour vous j’endure de peines.

Toute douleur qui nous survient,
Peu à peu moins forte devient,
Le tans comme un songe l’emporte ;
Mais il ne faut pas esperer
Que le tans puisse moderer
Le mal que vostre œil nous apporte.

Rien n’est icy bas de constant
Et tout se change à un instant
Dessous le cercle de la lune,
Les saisons, les jours et les nuits ;
Sans plus mes amoureux ennuis
Sont hors de la reigle commune.

Ce jour me fut bien malheureux,