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LES AMOURS D’HIPPOLYTE.


XXII


J’ay languy malheureux quatre longues journées,
Sans voir les deux beaux yeux de celle à qui je suis ;
Helas ! non, quatre jours, mais plustost quatre nuits,
Sans clarté, sans liesse, à mon mal ordonnées.

Qu’ay-je dit ? quatre nuits ; mais plustost quatre années
Toutes pleines d’horreurs, de soucis et d’ennuis,
Ou quatre mille morts que souffrir je ne puis,
Par le ciel rigoureux contre moy destinées.

Comme quand le soleil nous couvre sa clarté,
On voit perdre le lustre à toute autre beauté,
Tout se cache à nos yeux s’il retire sa flame.

Ainsi, lors que vostre œil sur moi plus ne reluit,
Tout objet de la cour m’est une obscure nuit,
Car je vous reconnois pour soleil de mon ame.


CHANSON


Que je suis redevable aux cieux
De ce qu’ils m’ont ouvert les yeux
Et si bien purgé ma poitrine,
Que rien plus ne me satisfait
Qui ne soit divin et parfait
Et qui n’ait celeste origine.

Tout ce qu’Amour sçauroit trouver
D’attraits pour un cœur captiver,
Tout ce que la beauté peut faire,
Le destin et l’election,
Tout s’assemble en l’affection
Qui rend mon esprit tributaire.

La gloire de mon seul penser
Fait que rien ne peut m’offenser,
Rigueur, prison, gesne et martyre ;
J’aime mieux un de mes tourmens
Que les plus chers contentemens
Qu’Amour reserve à son empire.

Mes fers me contentent si fort,
Que je ne hay moins que la mort
L’estat que franchise on appelle ;
Et si mon cœur trop arresté
Escoute un mot de liberté,
Je le puny comme rebelle.

Plustost juillet sera glacé,
Et l’hyver de fleurs tapissé ;