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LES AMOURS D’HIPPOLYTE.

Se lit sur mon triste visage,
Mon teint plus palle est devenu ;
Je suis courbé comme une souche,
Et, sans que j’ose ouvrir la bouche,
Je meurs d’un supplice inconnu.

Le repos, les jeux, la liesse,
Le peu de soin d’une jeunesse,
Et tous les plaisirs m’ont laissé ;
Maintenant rien ne me peut plaire,
Sinon, devôt et solitaire,
Adorer l’œil qui m’a blessé.

D’autre suiet je ne compose,
Ma main n’écrit plus d’autre chose,
Là tout mon service est rendu,
Je ne puis suivre une autre voye,
Et le peu de tans que j’employe
Ailleurs, je l’estime perdu.

Quel charme ou quel Dieu plein d’envie
A changé ma premiere vie,
La comblant d’infelicité ?
Et toy, Liberté desirée,
Deesse, où t’es-tu retirée ?
Retourne, ô douce Liberté !

Les traits d’une jeune guerriere,
Un port celeste, une lumiere,
Un esprit de gloire animé,
Hauts discours, divines pensées,
Et mille vertus amassées
Sont les sorciers qui m’ont charmé.

Las ! donc sans profit je t’appelle,
Liberté precieuse et belle !
Mon cœur est trop fort arresté :
En vain apres toy je soupire,
Et croy que je te puis bien dire,
Pour jamais, adieu, Liberté !


FANTAISIE


D’où vient qu’un beau soleil, qui luit nouvellement,
Soit à tous favorable, et à moy si contraire ?
Il m’esblouyt la veuë, au lieu qu’il leur éclaire,
Il échauffe les cœurs, et me va consommant.

L’autre soleil du ciel n’offense aucunement
Les lieux qui sont privez de sa flamme ordinaire :
Mais ce nouveau soleil me cuit plus vivement,
Quand loin de ses rayons je languy solitaire.