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En diverses saisons departira son cours,
En froid et puis en chaud, en longs et petits jours,
Et la terre, ores laide, en avril sera belle.

Ce grand flambeau du ciel sans fin resplendissant,
Œil visible de Dieu, fils aîné de Nature,
Tousjours dessous un signe immobile ne dure,
Ains change et fait changer l’âge pront et glissant.

Mais sa diversité n’esmeut mon cœur fidelle,
Car rien plus de changeant n’y sçauroit arriver :
La constance est ma forme, on ne m’en peut priver ;
Elle m’a donné l’estre, et ne seroy sans elle.

Ce qu’est le mouvement au ciel qui tout dispose,
La lumiere au soleil, au plomb la gravité,
La froidure à l’hyver, la chaleur à l’esté,
Vostre cœur est à moy toute une mesme chose.

Qu’on ne soit donc jamais en doute de ma foy,
Car, devant que le tans nos deux cœurs desassemble,
Un sujet recevra deux contraires ensemble :
Cessant de vous aimer, je ne seroy plus moy.


LXXVI


J’ay couru, j’ay tourné, volage et variable,
Selon que la jeunesse et l’erreur m’ont poussé,
Et mon vol trop hardi jusqu’au ciel j’ay haussé,
Dressant à mes desirs maint trophée honorable.

S’il y eut onc amant heureux et miserable,
Fasché, contant, jaloux, bien et mal carressé,
Qui par tous les destours hazardeux ait passé,
C’est moy dont le renom doit estre memorable.

Rendu sage à la fin, je me suis retiré
À vostre œil, qui de moy fut premier adoré,
Ne trouvant autre part nulle flamme assez claire.

Vous seule à l’avenir ayez sur moy pouvoir,
Les amours de ce tans vostre foy m’ont fait voir :
Un contraire est tousjours mieux veu par son contraire.



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