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Et que pour bien aimer je sois prisé de tous.

À vos yeux seulement mon esprit fait hommage,
Et d’autre que de vous, j’en jure vostre image,
Le ceston de Vénus ne pourroit m’enflamer :

Je suis depuis vingt ans sous vostre obeïssance,
Commençant à conter du point de ma naissance,
Car le ciel me fist naistre afin de vous aimer.


LXVII


Quand j’admire, étonné, vostre beauté parfaite,
Que l’esprit seulement ne sçauroit concevoir,
Mon cœur, mauvais devin du mal qu’il doit avoir,
Croit que rien de rigueur n’y peut faire retraite.

Sur la plus belle Idée au ciel vous fustes faite,
Voulant nature un jour monstrer tout son pouvoir,
Depuis vous luy servez de forme et de miroir,
Et toute autre beauté sur la vostre est portraite.

Beaux yeux qui rendez serfs tous ceux que vous voyez,
Yeux qui si doucement mon espoir foudroyez,
Sans qui du faux Amour la trousse est dépourveuë :

Non, j’atteste en jurant vostre effort nompareil,
Et vos douces fiertez, que je prise ma veuë
Plus pour vous regarder que pour voir le soleil.


LXVIII


On verra défaillir tous les astres aux cieux,
Les poissons à la mer, le sable à son rivage,
Au soleil ses rayons bannisseurs de l’ombrage,
La verdure et les fleurs au printans gracieux :

Plustost que la fureur des rapports envieux
Efface en mon esprit un trait de vostre image ;
Elle est trop bien emprainte au roc de mon courage,
Pour craindre que le sort en soit victorieux.

Bien que j’aye en aimant la fortune contraire,
Que tout soit conjuré pour de vous me distraire,
Je demeureray vostre en despit des jaloux.

En vous gist mon salut, ma foy, mon esperance,
Le ciel me fit pour vous, pour vous je pris naissance,
Pour vous je doy mourir ; aussi je meurs pour vous.


LXIX


Si j’aime autre que vous, que l’honneste pensée
Qu’Amour loge en mon cœur s’en puisse departir,