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LXV


Jamais, au grand jamais, ou ne verra changer
La foy que je vous ay nouvellement jurée :
Plustost faudront les eaux en la plaine azurée,
Et l’élement du feu ne sera plus léger.

Le ciel et mon vouloir à vous m’ont fait ranger,
Seule vous me semblez digne d’estre adorée,
Et connoy que ma veue estoit fort égarée,
Quand de moindre clarté ne pouvoit s’estranger.

Celle que j’ay long-tans fidellement aimée,
Pour retirer sa flamme en cent lieux allumée,
Autre cœur que le mien choisira desormais.

Hé ! qui seroit constant parmy tant d’inconstance ?
Trop souvent irrité, j’ai perdu patiance,
Et ne l’aimeray plus jamais, au grand jamais.


CHANSON


Que vous m’allez tourmentant
De m’estimer infidelle !
Non, vous n’estes point plus belle
Que je suis ferme et constant.

Pour bien voir quelle est ma foy,
Regardez-moy dans vostre ame ;
C’est comme j’en fay, madame :
Dans la mienne je vous voy.

Si vous pensez me changer,
Ce miroir me le rapporte ;
Voyez donc de mesme sorte
En vous, si je suis leger.

Pour vous, sans plus, je fus né,
Mon cœur n’en peut aimer d’autre :
Las ! si je ne suis plus vostre,
À qui m’avez-vous donné ?


LXVI


Que je hay l’inconstance et que j’estime fous
Ceux qui chassent par-tout d’une queste incertaine !
Quand on n’a point d’amour tel pourchas n’est que paine ;
La seule affection, c’est ce qui le rend doux.

De moy, je me plais tant à n’aimer rien que vous,
Que la plus grand’ douleur ne peut m’estre inhumaine,
Pourveu que vous croyez que ma foy soit certaine