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Du plus grand Dieu l’ame saisie,
Vostre foi m’a tant asseuré,
Et leur feu si bien esclairé,
Que je suis franc de jalousie.

Puissions-nous vivre ainsi tousjours,
Maistresse, heureux en nos amours,
À qui nulle autre ne ressemble ;
Et, s’il faut sentir du malheur,
Que ce soit la seule douleur
De n’estre pas tousjours ensemble.


LXIII


La Foy, qui pour son temple a choisi ma poitrine,
Jamais n’en partira, quoy qui puisse arriver ;
L’effort du tans vainqueur ne l’en sçauroit priver :
Contre tous ses assauts plus ferme elle s’obstine.

Que le ciel courroucé contre moy se mutine,
Il ne sçauroit pourtant une écaille enlever,
Les tourmens plus cruels ne font que l’esprouver :
Comme l’or en la flamme, aux maux elle s’affine.

Elle arreste mon cœur à cloux de diamant,
Et, pour tout artifice, elle fait qu’en aimant
Je me serve d’amour et de perseverance.

Mon feu brûle tousjours et n’est point evident :
Aussi l’amour en moy n’est point par accident,
Il est de ma nature et ma propre substance.


LXIV


Sur le tombeau sacré d’un que j’ay tant aimé[1],
Et dont la souvenance est en vous si bien painte,
J’asseure et vay jurant, plein d’amour et de crainte,
Que, sans plus, de vos yeux mon cœur est enflamé ;

Et que le tans leger, au change accoustumé,
Jamais n’esbranlera ma foy constante et sainte ;
Mon ame à d’autres lois ne se verra contrainte,
Vostre nom en mes vœux sera seul reclamé.

Si je doy quelque jour dementir ce langage,
L’esprit qu’à haute voix j’appelle en temoignage,
Qui nous aimoit tous deux et que nous aimons tant,

Toute nuict m’espouvante et me soit adversaire.
Mais fusse-je aussi seur que ma foi vous deust plaire,
Comme je le suis trop de vous estre constant !


  1. Claude de Laubespine.