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Ny les diminuer d’une seule estincelle.

Vous serez le premier et dernier de mes vœux,
J’en jure par vos yeux, et par vos blonds cheveux,
Et par l’eternité de ma peine cruelle.


CHANSON


Amour, grand vainqueur des vainqueurs,
Et la Beauté, royne des cœurs,
Jadis firent un vœu notable ;
Et, pour n’y manquer nullement,
Chacun jura maint grand serment
Qu’il le tiendroit irrevocable.

Premier, cet enfant passager
Jura de jamais ne loger,
En esprit ou en fantasie,
Sans exanter homme ni Dieu
Qu’il n’y retint tousjours un lieu
Près de soy, pour la Jalousie.

Beauté, jurant apres Amour,
Promit de ne faire sejour
Ny d’arrester jamais en place,
Sans y loger aussi soudain
L’orgueil fantastique et hautain,
L’aigreur, le mespris et l’audace.

Sermens cruels et rigoureux,
C’est par vous que les amoureux
Sont pressez d’angoisses mortelles.
L’un rend leur esprit transporté ;
L’autre fait que la cruauté
A tant de force au cœur des belles.

De ces vœux trop bien observez,
Nous avons esté reservez,
O ma belle et chere Deesse !
Vos douces beautez et ma foy
Sont du tout exempts de la loy,
Et ne sentent point sa rudesse.

Car, bien que la mesme beauté
Ait en vous son siege arresté,
Rien de fier ne vous deshonore :
Vos yeux et vos propos sont doux ;
Il est vray que ce n’est à tous,
Mais à moy seul qui vous adore.

Aussi, jaçoit que vos beaux yeux
Puissent rendre, jusques aux cieux,