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Sur mer, à tous perils je me suis exposé,
Sans promesse d’Amour, mon guide en ce voyage.

Donc, ô belle Diane, helas ! asseurez moy
Si, pour vous adorer seule, ainsi que je doy,
De toute vieille erreur j’ai purgé mon courage.


LIX


Belle et cruelle main, qui m’avez enchaisné
Dans la prison d’Amour, mon antique adversaire,
Estant si delicate, hé ! comment se peut faire
Qu’un coup si dangereux par vous me soit donné ?

Mon cœur, nouveau captif, en est tout estonné,
Mes sens tous esperdus ; et mon œil temeraire,
De vous voir pour son mal ne se sçauroit distraire,
Tant la beauté l’attire et le rend obstiné.

Par un nouvel effort mon ame est surmontée.
Je sçavoy bien que Mars, par sa main redoutée,
Fait ces actes guerriers et se rend plus connu ;

Mais que ma liberté deust estre retenuë
Par une main si tendre, encore toute nuë,
Ce miracle est à moy seulement advenu.


LX


Chacun jour mon esprit loin du corps se retire ;
Je tombe en pâmoison, je pers le mouvement,
Ma couleur devient palle, et tout en un moment
Je n’enten, je ne voy, je ne sens ny respire.

Revenant puis apres, vers le ciel je souspire,
J’ouvre les yeux ternis, je m’esmeus doucement,
Comme un qui a dormy, puis, sans estonnement,
J’atten le pront retour d’un si lasche martire.

Ceux qui voyent comment ce mal me met au bas,
Comme il revient soudain, n’attendent qu’un trespas
Qui ces petites morts d’heure à autre finisse.

Il ne m’en chaut pour moy ; c’est tout mon reconfort.
Mais pour vous je m’en plains, qui perdrez à ma mort
Un cœur qui n’estoit nay que pour vostre service.


LXI


Beaux nœux crespes et blonds nonchalamment épars,
Dont le vainqueur des Dieux s’emprisonne et se lie ;
Front de marbre vivant, table claire et polie,
Où les petits Amours vont aiguisant leurs dars ;