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Aux durs tableaux de la memoire,
Vantez vostre commandement ;
De moy, je sers si noblement,
Que je ne chante autre victoire.

Le forçat, sauve du danger,
Monstre sa chaisne à l’estranger,
Triste enseigne de son supplice ;
Et moy, je monstre mon lien,
Heureuse marque de mon bien,
Car mon bien vient de mon service.

Hercule, en tous lieux redouté,
Ayant maint travail surmonté,
Servant, effaça cette gloire ;
Mon service n’est pas ainsi,
Car il rend mon nom esclairci
Trop plus qu’une belle victoire.

O vous, furieux de soucis,
Sans repos troublez et transis,
Pour renverser une police,
Ayans l’univers travaillé,
Le prix qui vous sera baillé
N’est rien auprès de mon service.

Ce bel œil qui donne le jour,
Alors qu’il chasse, à son retour,
La nuict marchant en robe noire,
Ne voit rien, par tout l’univers,
Devant, derriere, et de travers,
Egal au Dieu de ma victoire.

Heureux qui sert comme je fais,
Et qui consacre tous ses faits
À chose si sainte et propice ;
Aussi, pour m’en recompenser,
Rien mieux je ne sçauroy penser
Que de mourir en son service.


XLVI


Je m’estoy dans le temple un dimanche rendu,
Que de la mort du Christ on faisoit souvenance,
Et, touché jusqu’au cœur de vive repentance,
Je soupiroy le tans que j’ai mal despendu.

O Seigneur ! qui des cieux en terre es descendu,
Pour guarir les pecheurs et laver leur offance,
Que ton sang, ruisselant en si grande abondance,
N’ait point esté pour moi vainement respandu !

Seul Sauveur des humains, sauve ta creature !