une si belle occasion. C’était agir en bonne sœur que de travailler ainsi pour son frère. Elle détermina la princesse, qui donna rendez-vous au duc dans une salle retirée du vieux palais, une sorte de boudoir tombé en disgrâce, mais orné de peintures voluptueuses représentant le paradis des amants fortunés ; la voûte figurait un ciel que parsemaient des nuées d’argent. La belle dame et le jeune prince devaient s’y rencontrer à midi, heure du repas principal, qui occuperait alors tout le monde. Camille, la suivante de la princesse, brûlait justement de se trouver en compagnie d’un beau garçon qu’elle adorait ; il fut donc invité à la partie de plaisir. La princesse de Condé, voulant reconnaître les bons soins de Marguerite, fit avertir secrètement le duc de Guise, qu’elle aimait et qui ne pouvait cacher sa tendresse pour elle ; le frère du roi et lui vivaient à cette époque dans la plus grande intimité.
Le jour venu, la princesse de Condé va voir Marguerite et lui propose de faire un tour de promenade. La jeune conseillère accepte ; Marie de Clèves la dirige vers le vieux palais, puis la mène droit au boudoir où attendaient les trois amants. Alors eut lieu une scène qui faillit tout gâter. En voyant le duc de Guise, la princesse royale manifeste une vive colère ; elle éclate en reproches contre son amie et ce qu’elle appelait sa trahison. Le duc d’Anjou essaye de lui inspirer des sentiments plus tendres ; le duc de Guise plaida sa propre cause avec tristesse et avec passion, employa toute l’éloquence du regard et de la parole. La princesse de Condé chercha aussi à obtenir de Marguerite qu’elle se montrât moins sévère. Elle la priait à mains jointes, nous dit le poëte ; elle la nommait son désir, sa lumière, sa vie ; elle lui embrassait les genoux, tant elle souhaitait voir le programme entièrement exécuté ! Elle lui rappelait d’ailleurs ses voluptueux conseils :
Où sont tous ces propos si pleins de véhémence
Que vous me souliez dire afin de m’enflammer,
Avant que deux beaux yeux m’eussent forcé d’aimer ?
Quel charme ou quel démon à présent vous travaille
Qu’au besoin lâchement le courage vous faille ?
C’était mal de troubler une fête si bien organisée. Ressemblerait-elle aux soldats fanfarons, qui, après mainte bravade, se sauvent dès que l’ennemi approche ?
Marguerite demeurant inflexible, les deux couples qui s’entendent prennent le parti de ne plus songer à elle. Le duc de Guise continue vainement de la solliciter.