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L’intervention du poëte ne fut pas inutile : la belle offensée rendit au monarque ses amoureux priviléges, et il en résulta un fils, auquel Desportes aurait bien dû servir de parrain. Cet enfant de l’amour, Charles de Valois, fut d’abord comte d’Auvergne, puis duc d’Angoulème. Marie Touchet, charmante et gracieuse personne d’ailleurs, était née à Orléans, d’une assez bonne famille, en 1549 ; son père exerçait les fonctions de lieutenant du bailliage et siége présidial. Elle survécut soixante-quatre ans au prince qui avait désarmé sa colère, grâce à Desportes, et, quand elle eut essuyé ses larmes, quand son chagrin fut un peu calmé, elle lui donna tout naturellement des successeurs. Elle eut donc bientôt une fille, Henriette de Balzac d’Entragues, qui suivit l’exemple de sa mère ; Henri IV la prit pour maîtresse et lui témoigna un vif attachement ; nommée par lui marquise de Verneuil, elle exerça une puissante influence. Le ciel lui accorda une héritière de ses vertus : mademoiselle d’Entragues devint célèbre par son intimité avec Bassompierre. En contribuant à installer Marie Touchet sur les gradins du trône, Philippe avait bien mérité de plusieurs générations et préparé d’illustres amours. Qu’on essaye de nier ensuite l’influence de la poésie !

L’auteur courtisan rima bientôt une œuvre plus singulière : on y voit exposée dans tous ses détails la première aventure galante du jeune duc d’Anjou, qui devint Henri III. Il avait débuté comme on débute ordinairement, par être timide et embarrassé avec les femmes. Son haut rang, son âge, sa gloire militaire (il avait gagné à vingt ans les batailles de Jarnac et de Moncontour), sa bonne mine enfin, lui attiraient de nombreuses provocations ; il s’y montra d’abord indifférent, lui qui devait plus tard succomber aux moindres agaceries. Un jour cependant il fut troublé par le regard d’une femme : Marie de Clèves, princesse de Condé, avait enfin ému ce cœur insensible. Le roi futur, de son côté, fit sur elle une vive impression. Mais un obstacle grave les empêchait de se voir librement. Le mari de la princesse était jaloux, la surveillait sans relâche. Le poëte nous la représente donc dans le lit conjugal, méditant sur les périls de sa passion, pleurant même du chagrin de ne pouvoir la satisfaire. Elle en causait pendant le jour avec Marguerite de Valois, sœur de son amant, et lui témoignait une hésitation sincère ou feinte à goûter au fruit défendu. Marguerite,

Plus savante aux effets de l’amoureuse flamme,

lui conseillait de bannir les scrupules et de ne pas perdre