L’air est encore amoureux d’elle,
Le ciel rit de la voir si belle,
Et moy j’en augmente mes pleurs.
Les champs sont verds, et le boccage
Se pare de jeune feuillage,
Les prez ouvrent mille tresors ;
Et moy, despoüillé de ma gloire,
Je n’aime couleur que la noire,
La portant dedans et dehors.
Des oiseaux les bandes legeres,
Renforçans leurs voix ramageres,
Donnent l’ame aux bois et aux champs :
Leur doux bruit reveille ma peine,
Et les plaintes de Philomene
Me sont au cœur glaives tranchans.
Les oiseaux cherchent la verdure,
Moy je cherche une sepulture
Pour voir mon malheur limité :
Vers le ciel ils ont leur vollée,
Et mon ame deconsolée
Se nourrit en l’obscurité.
Ores l’amant sent, dedans l’ame,
Pleuvoir des beaux yeux de sa dame
L’espoir, qui plus doucement poind :
Et l’œil dont je pleure l’absance
M’a privé de toute esperance.
Las ! j’ai crainte et n’espere point.
Ores les animaux sauvages
Courent les champs, bois et rivages,
Comme Amour les rend furieux :
Mais le regret qui me transporte
D’une pointe encore plus forte,
Pressant, me poursuit en tous lieux.
Or’ on voit la rose nouvelle
Qui se découvre et se fait belle.
Monstrant au jour son teint vermeil :
Où, las ! mon pallissant visage
Se seiche en l’avril de mon âge,
Privé des rais de mon soleil !
Or’ on voit d’une tiede halaine,
Zephire esmouvoir par la plaine
Mollement les bleds verdoyans :
Et moy je couve en mon courage
Des soupirs, qui font un orage
De cent mille flots ondoyans.
O belle jeunesse du monde !
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