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Ou bien, si vous ne m’aimez pas,
Ne retardez plus mon trespas ;
Je le prendray pour recompense.


XVIII


Depuis que sous vos loix mon ame est retenuë,
L’an desjà quatre fois s’est veu recommencer :
Et ma foy, que le tans n’a jamais sçeu fausser,
Mieux que le premier jour n’est de vous recognuë.

Si pour voir vostre sein j’abaisse un peu la veuë,
Si j’ose vostre main de la mienne presser,
Ou baiser vostre gant, je vous voy courrousser.
A tel heur, en quatre ans, ma fortune est venuë !

Les propos plus communs qu’il vous plaist m’affermer,
C’est que vous n’aimez rien ny ne pouvez aimer,
Et qu’il ne faut de vous attendre autre asseurance.

Donc, si par vostre advis je pren de moy pitié,
Changeant mon amour forte en commune amitié,
A sçavoir si l’on peut m’accuser d’inconstance ?


XIX


Helas ! chassez ce vouloir obstiné !
Helas ! changez ceste estrange nature,
Et n’éteignez, faute de nourriture,
Mon foible espoir, aussi-tost mort que né.

N’est-il pas tans que je sois guerdonné ?
N’est-il pas tans qu’une heureuse advanture
Donne allegeance au tourment que j’endure,
Et de chetif me rende fortuné ?

Si vous sçavez que ma foy soit certaine,
Si vous voyez la grandeur de ma paine,
Si vous pouvez mes langueurs secourir :

Que vous sert-il que je sois miserable ?
Las ! hastez-vous de m’estre favorable,
Ou vous hastez de me faire mourir !


XX


Que trop d’amour me seiche et me devore ainsi,
Devant vos yeux cruels embellis de ma paine ;
Que je m’aille appastant d’une esperance vaine,
Plus pour aigrir mon mal que le rendre adoucy ;

Que je ne trouve en vous ny pitié ny mercy,
Que je meure de soif au bord de la fontaine :