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mandé des stances pour se réconcilier avec la belle Marie Touchet, la seule maîtresse qu’il ait eue. Le poëte lui donna le nom fictif de Callirée. Il semble, d’après ce morceau, que le jeune prince avait voulu se détacher d’elle ; mais, ses efforts ayant échoué, il brûlait d’obtenir sa grâce. Desportes lui prête néanmoins des accents nobles et fiers.

J’avoue avoir failli : la faute est excusable,
Qu’un roi tel que je suis, courageux, redoutable,
Qui sait bien commander à un peuple indomté,
Qui ne sait ce que c’est de service et de crainte,
N’ait pu du premier coup fléchir sous la contrainte,
Et se soit essayé de vivre en liberté.
Moi que les cieux amis en jeunesse ont fait être
De tant de nations le monarque et le maître,
Se faut-il étonner si, m’étant vu domter
Et ma libre vertu prisonnière être mise,
Je me sois efforcé de la mettre en franchise ?
Toujours le changement est fâcheux à porter.

Je confesse avoir fait, d’un rebelle courage,
Tout ce que peut un prince ennemi du servage :
Le repos ocieux en travail j’ai mué,
J’ai comblé mon esprit de soucis et d’affaires,
Et forcé pour un temps mes regards volontaires,
Les privant à regret des yeux qui m’ont tué.

J’ai mille jours entiers, au chaud, à la gelée,
Erré, la trompe au col, par mont et par vallée,
Ardent, impatient, crié, couru, etc.

Atteint dans sa fuite, vaincu dans sa rébellion, Charles IX, un peu embarrassé, demande merci. L’aimable créature lui pardonnera-t-elle ?

La royauté me nuit et me rend misérable ;
Jamais à la grandeur Amour n’est favorable.
Si je n’étois point roy, je serois plus content ;
Je la verrois sans cesse, et par ma contenance,
Mes pleurs et mes soupirs, elle auroit connoissance
Que je sens bien ma faute et qu’en suis repentant.

Sa vaine résistance prouve, au surplus, la force de son amour ; le poids d’un monde n’a pu le contrebalancer. Il pleure, il gémit, accablé de chagrin : sera-t-elle pour lui un ange de colère ou un ange de miséricorde ?

O ma seule déesse ! ô belle Callirée !
Comme dans votre temple en mon cœur adorée,
Hélas ! j’ay trop souffert, éloigné de vos yeux !
Voyez ma repentance et m’ôtez hors de peine.
Faillir aucunes fois est une chose humaine,
Pardonner et sauver, c’est l’office des dieux.