Et, pour monstrer qu’en vous est esteint son brandon,
Habillez-vous de gris, c’est la couleur de cendre.
Vivez de patience, il le vous faut apprendre ;
Votre espoir mensonger soit changé en bourdon,
Le dedain du refus[1] à requerir pardon
D’avoir plus demandé que ne deviez attendre.
Mais sur tout que l’Amour en ce lieu ne soit paint ;
Pour guarir du chaud-mal, c’est un dangereux saint.
S’il r’allume une fois vos flammes amorties,
Ne pouvant supporter cette tentation,
Vous sortirez des bois et de dévotion,
Et jetterez bien-tost votre froc aux orties.
X
Amour de sa main propre a portrait cet image,
Afin qu’un pays froid, lourd, barbare, indonté,
Qui demeuroit rebelle à sa divinité,
Fust contraint de se rendre et de luy faire hommage.
Il choisit le parfait d’un si divin ouvrage
Dans le ciel, sur le vray de la mesme beauté,
Vaquant à son labeur d’esprit tant arresté,
Que sur la beauté mesme on voit quelque avantage.
Les Amours luy servoient : l’un brassoit les couleurs,
L’autre les destrempoit en l’argent de mes pleurs,
L’autre, plus curieux, admiroit l’artifice.
Quand il eut achevé, luy-mesme en fut épris,
En devint idolatre, et soudain je fus pris,
Afin que de mon cœur il luy fist sacrifice.
XI
Hé ! ne suffit-il pas qu’Amour, trop animé,
Tienne mon cœur en feu qui s’accroist d’heure en heure,
Sans que mes chauds soupirs, sortant de leur demeure,
Donnent force à l’ardeur dont je suis consommé ?
O vent impetueux, excessif, enflamé,
C’est par toy que ma flame eternelle demeure.
- ↑ Le dépit d’avoir été refusé.