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II


Dans le courant de l’année 1572, Desportes fit hommage à Charles IX de son Roland furieux, poëme imité de l’Arioste, qu’il jugea en harmonie avec le caractère violent, frénétique du prince. Il composa ensuite la Mort de Rodomont, moitié traduite, moitié originale. Dédié au marquis de Villeroy, sous le ministère duquel fut assassiné Coligny, cet ouvrage semble contenir des allusions malveillantes à la fin tragique de l’amiral :

Qui fit trembler, vivant, l’Le contempteur des dieux,
Qui fit trembler, vivant, l’air, la terre et les cieux,
Qui fit rougir de sang les campagnes de France,
Grand de corps, grand de force et plus grand d’arrogance.

Angélique et Médor, rimé en troisième lieu, parut à notre auteur devoir charmer la voluptueuse mollesse du duc d’Anjou, qui fut depuis Henri III[1]. Desportes suivait la mode et commençait par imiter l’Italie.

Ses trois poëmes furent imprimés en 1572, peu de temps après la Saint-Barthélemy, selon toute apparence. Charles IX lut avec enthousiasme la Mort de Rodomont ; quoique l’auteur ne lui en eût pas fait hommage, il se chargea de le récompenser et lui donna huit cents couronnes d’or, plus d’une couronne par vers, car le poëme n’en contient que sept cent vingt-deux. Nous avons à cet égard un témoignage contemporain qui ne permet pas le doute[2]. Mais l’admiration ne fut peut-être pas la seule cause de cette libéralité. Desportes avait servi le roi dans ses amours, et les complaisances qui flattent les passions vives rendent les hommes généreux. Dès les premiers temps de son admission au Louvre, Charles IX lui avait de-

  1. Du Radier avait déjà signalé l’adresse avec laquelle les sujets du premier et du dernier ouvrage sont adaptés aux caractères des deux princes.
  2. Celui de Claude Garnier, qui avait connu personnellement l’auteur ; il dit en effet dans sa Muse infortunée (1624) :

    De CharEt toutesfois Desportes,
    De Charles de Valois, étant bien jeune encor,
    Eut pour son Rodomont huit cents couronnes d’or ;
    Je le tiens de lui-même, etc.

    Voyez Colletet, Discours sur le sonnet, page 117.